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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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l’origine des démêlés du nouveau roi avec le pape. C’est la première fois que nous avons à parler d’une crise financière. Mais la monarchie avait créé des finances, organisé l’administration. Ce qui se faisait autrefois au hasard, les dépenses qu’on couvrait par des moyens de fortune, par des dons plus ou moins volontaires, tout cela devenait régulier. La machine de l’État commençait à marcher, à distribuer de la sécurité, de l’ordre, mais elle coûtait cher. Faire la France coûtait cher aussi. Ces difficultés, que nous connaissons de nouveau aujourd’hui, dureront des siècles.
    À beaucoup d’égards, il y a une curieuse ressemblance entre le règne de Philippe le Bel et celui de Louis XIV. Tous deux ont été en conflit avec Rome. Philippe IV a détruit les puissances d’argent, celle des Templiers surtout, comme Louis XIV abattra Fouquet. Philippe le Bel, enfin, a été attiré par la Flandre comme le sera Louis XIV, et cette province, d’une acquisition si difficile, l’engagera aussi dans de grandes complications. Il y a comme un rythme régulier dans l’histoire de notre pays où les mêmes situations se reproduisent à plusieurs centaines d’années de distance.
    Cependant l’effet apaisant de l’arrangement conclu par Louis IX était épuisé. Un jour ou l’autre, la lutte devait reprendre avec les Anglais. Ils étaient toujours établis en Guyenne, maîtres de Bordeaux, et c’était une cause de conflits continuels. Il fallait que la France n’eût plus d’enclave anglaise ou que l’Anglais fût maître de la France : l’alternative ne tardera pas à se poser. On dira que, si l’Angleterre avait été sage, elle aurait évacué des territoires nettement français. Mais l’Angleterre, insulaire et maritime, a toujours dû avoir des possessions au-dehors : nos provinces, dans un temps où le monde était plus étroit, lui tenaient lieu de colonies. Il lui semblait aussi naturel d’être à Bordeaux qu’aujourd’hui d’être à Bombay.
    Les gouvernements avaient longtemps reculé une explication inévitable. Les populations eurent moins de patience que les rois. Édouard Ier et Philippe le Bel ne se déclarèrent pas la guerre : elle éclata spontanément entre les marins normands et ceux de Bordeaux. Les gouvernements y furent entraînés après une longue procédure, Philippe le Bel ayant voulu juger et condamner Édouard, comme l’avait été Jean sans Terre. Cette fois, le moyen juridique ne réussit plus. Le conflit était devenu celui de deux nations et le roi anglais était opiniâtre. Philippe le Bel comprit qu’une lutte grave s’ouvrait et il eut le premier cette idée que, pour combattre l’Angleterre, c’était sur mer qu’il fallait l’atteindre. La France commençait à avoir une marine. Les Croisades, les expéditions de Sicile et d’Espagne avaient formé des marins. Philippe le Bel appela dans la Manche les navires qu’il avait dans la Méditerranée. Les Génois construisirent à Rouen un arsenal et une escadre et lui donnèrent un amiral. Alors, Édouard Ier, alarmé de cette force maritime naissante, suscita contre la France une coalition européenne, la même que celle de Bouvines. Philippe le Bel à son tour chercha des alliés et répondit par un véritable blocus continental auquel prirent part la Suède, la Norvège, les villes de la Hanse, les États ibériques. Mais, à ce blocus, qui devait étouffer l’Angleterre, la France refusa de s’associer parce que ses tissages avaient besoin de la laine anglaise. Il fallait renoncer à la guerre économique ou bien forcer la Flandre à servir la politique française. Entre les deux belligérants, le pays flamand, – la future Belgique, – devenait le véritable enjeu.
    On voit le caractère moderne de cette guerre où Philippe le Bel fit tête avec sang-froid aux plus grands périls. L’empereur germanique Adolphe de Nassau, était entré dans la coalition ennemie et, par un manifeste insolent, avait revendiqué au nom de l’Empire des droits et des territoires, notamment Valenciennes. À cette réclamation, Philippe ne répondit que par deux mots écrits sur un vaste parchemin : « Trop allemand. » Ces deux mots, que certains conseillers du roi avaient trouvés trop rudes et imprudents, eurent un effet magique : Adolphe sentit que la France était prête à résister et il n’insista pas. D’ailleurs, Philippe le Bel s’était assuré des concours allemands,

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