Histoire de France
Parlement, bourgeoisie, peuple : l’effervescence était partout. Il s’y mêlait des souvenirs de la Ligue, des rancunes protestantes (ce qui explique le cas de Turenne), l’impatience de la discipline que Richelieu avait imposée : tout ce qui fait balle dans les temps où il y a des sujets de mécontentement nombreux et où l’on sent que l’autorité n’est plus très ferme. Cependant cette confusion de tant d’intérêts et de tant de « mondes » divers semble avoir été une des causes de faiblesse de la Fronde. Dès le premier choc avec les troupes régulières, l’armée levée par les Parisiens subit un échec devant Charenton. La discorde se mit chez les Frondeurs et l’on finit par négocier avec la Cour une paix ou plutôt une trêve.
Il serait trop long de raconter par le détail les intrigues et les troubles dont furent remplis et le reste de l’année 1649 et les années qui suivirent. Ce temps ne peut se comparer qu’à celui de la Ligue. Le désordre s’était étendu aux provinces. La Normandie et Bordeaux furent un moment en révolte ouverte. Cependant nous étions toujours en guerre avec l’Espagne et ni Condé ni le glorieux Turenne n’hésitaient à marcher avec l’ennemi qui avança jusqu’à la Marne. Il fallut que l’Espagne fût bien affaiblie pour ne pas tirer meilleur parti de ces avantages.
Au milieu de cet immense gâchis, la détresse devint extrême. Les rentiers qui avaient commencé la Fronde eurent à s’en repentir, les premiers. On n’est surpris que d’une chose, c’est que, dans cette confusion, la France ne se soit pas dissoute. Ce qui sauva encore la monarchie, ce fut l’absence d’une idée commune chez les séditieux. Une assemblée de la noblesse réclama les états généraux, selon l’usage des temps de calamités. Elle prétendit, invoquant toujours les anciennes traditions féodales que nous avons vues renaître sous la Ligue, rendre au second ordre un droit de contrôle sur le pouvoir. Ce langage, bien qu’il fût accompagné de formules libérales, inquiéta le Parlement qui se réservait ce rôle pour lui-même et se souvenait des états de 1614, de l’affaire de la Paulette et de la rancune des gens d’épée contre les gens de robe. L’échec de la nouvelle Fronde était en germe dans ce conflit.
La nouvelle était pourtant bien plus grave que l’ancienne. Mazarin et la reine Anne, ne pouvant rien par la force, avaient essayé de diviser leurs adversaires et obtenu l’arrestation de Condé et des princes de sa famille par des promesses au clan de Gondi. La manœuvre ayant réussi, Turenne et les Espagnols ayant en outre été battus à Rethel, Mazarin voulut profiter de la circonstance pour ramener la Cour à Paris et raffermir son autorité. C’en fut assez pour que tous les Frondeurs s’unissent contre lui. Le duc d’Orléans, le président Molé, Gondi, les parlementaires et les nobles, tout le monde se dressait contre Mazarin. À la fin, le Parlement n’exigea pas seulement la libération des princes mais le bannissement du ministre. Mazarin n’attendit pas l’arrêt : il s’enfuit de Paris et se réfugia chez notre allié l’électeur de Cologne, après avoir convenu avec la régente qu’il la conseillerait de loin en attendant son retour.
La situation était véritablement révolutionnaire. La reine Anne, ayant voulu à son tour quitter Paris, en fut empêchée par les Frondeurs. Les milices bourgeoises furent convoquées et elle ne les apaisa qu’en leur montrant le jeune roi endormi ou qui feignait de dormir : il n’oublia jamais ces scènes humiliantes. En somme, la famille royale était prisonnière, Beaufort, Gondi, la Grande Mademoiselle, tous les agités, les étourneaux et les doctrinaires de cette étrange révolution maîtres de Paris. Par bonheur, ce beau monde, uni à celui de la rue, ne tarda pas à se déchirer. Avant de prendre la fuite, Mazarin avait ouvert les portes de la prison de Condé, avec l’idée que cet orgueilleux ne s’entendrait pas longtemps avec les autres frondeurs. Mazarin avait vu juste. Monsieur le Prince mécontenta tout le monde. Son alliance avec l’Espagne devint un scandale et le Parlement, qui dénonçait en Mazarin l’étranger, ordonna que l’on courût sus à Condé, rebelle et traître et qui avait livré les places à l’ennemi. La circonstance, qu’il avait calculée, parut propice au cardinal pour rentrer en France : sur-le-champ, l’union se refit
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