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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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injustement. Je l’attends au jugement de
Dieu ; je l’appelle, quarante jours, après ma mort, devant sa
juste justice ; et cet appel, Dieu vous ordonne de le lui
dénoncer. »
    Cependant les gardes du prince, ministres
barbares de la haine de ses ennemis, craignant que s’il vivait
encore lorsque le duc serait de retour de Normandie, où il était
allé combattre les Anglais, les sollicitations du connétable et de
ses autres parents et amis ne lui sauvassent la vie, jugèrent
qu’ils n’avaient point de temps à perdre. Ils entrèrent donc dans
sa chambre, et s’étant jetés sur lui, ils l’étouffèrent entre deux
matelas. Dès que les bourreaux du prince lui eurent ôté la vie, ils
lui bouchèrent le nez et les oreilles, de peur qu’il ne sortît du
sang de son corps, et l’ayant couché dans son lit, comme s’il fût
mort naturellement, ils allèrent à la chasse avec plusieurs autres
gentilshommes qu’ils avaient invités à cette partie de plaisir,
pour éloigner tout soupçon et pour faire croire qu’ils étaient
absents lorsque le prince avait expiré.
    « Ainsi, dit Alain Bouchard, fut
accomplie la parole de « monseigneur saint Vincent
Ferrier. »
    La duchesse de Bretagne, Jeanne de France,
épouse de Jean V, était enceinte : saint Vincent venait
souvent lui porter la parole divine et solliciter sa charité pour
les pauvres. Un jour elle le supplia de lui révéler la destinée de
l’enfant qu’elle portait : « Bonne dame, dit le saint,
vous êtes grosse d’un martyr ! »
    La nouvelle de la mort de Gilles, répandue
dans la Bretagne, où l’on ne douta pas qu’elle n’eût été le
résultat d’un crime, excita de violents murmures contre François.
Richemont surtout, qu’elle affectait le plus douloureusement,
l’accabla de reproches. Le duc eut beau vouloir se justifier,
personne ne put se persuader que sans son ordre on eût osé attenter
à la vie de son frère. Le duc, qui était au siège d’Avranches
lorsqu’on apprit la nouvelle de cet événement, alla, après la prise
de cette place, coucher au Mont-Saint-Michel. Lorsqu’il était en
chemin pour s’y rendre, il rencontra sur les grèves un cordelier
qui demanda à lui parler en particulier. C’était le confesseur de
Gilles à ses derniers moments. Ce religieux le cita de la part de
son pénitent au jugement de Dieu, pour y comparaître dans quarante
jours. François, qui était d’ailleurs déchiré par ses remords, fut
très-effrayé de ces paroles, et se retira en Bretagne. Le chagrin
dont il était rongé le fit tomber dans une langueur qui donna sujet
de craindre pour ses jours.
    Déjà les quarante jours expiraient, et
François ne traînait plus que les restes d’une vie languissante. Il
rassembla son conseil, ses barons, les prélats, et comme il ne
laissait pas d’enfant mâle, il remit la couronne ducale à son
frère, Pierre de Bretagne, en lui recommandant la duchesse sa femme
et le sort de ses deux filles. Il donna ensuite des marques d’une
édifiante piété, que ses craintes de l’avenir rendaient plus vive
encore. Il reçut la communion en présence de tous ses gens, et leur
demanda pardon en leur disant : « Mes amis, que l’état où
je suis vous serve d’exemple ; j’ai été votre prince, et
maintenant je ne suis rien. »
    François I er mourut le 14 juin
1450. Ce prince avait quelques vertus ; il était libéral et
très-brave, mais trop facile à prévenir contre ses plus proches.
Trop livré à ses favoris, dont la haine et l’ambition abusaient de
sa crédulité, il préféra leurs conseils insensés et criminels à
ceux de la raison et du sang. La mort de son frère Gilles de
Bretagne
,
qui hâta la sienne en empoisonnant de remords
ses derniers jours, a flétri à jamais sa mémoire.
    Le testament de François I er ,
conçu dans l’intérêt de la tranquillité publique, stipulait que son
frère Pierre II succéderait à la couronne ducale, et qu’après
la mort de Pierre, si ce prince décédait également sans enfant
mâle, elle retournerait à leur oncle commun, le connétable Arthur
de Richemont.
    Pierre II, d’un esprit faible, d’un
caractère triste et mélancolique, se laissait facilement gouverner
par les personnes qui l’entouraient ; mais on admirait sa
générosité, et
,
plus encore sa profonde aversion pour les
impôts illégitimes dont ses prédécesseurs n’avaient pas hésité à
surcharger les peuples de Bretagne. On ne vit sous son

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