Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
l’année précédente afin d’implorer son secours,
avait promis à cette princesse d’employer tout son crédit pour
sauver son mari. Il tint parole : Charles VII, à sa
considération, fit grâce de la vie à d’Alençon, et permit que la
duchesse son épouse et ses enfants pussent jouir de tous ses biens
meubles, excepté l’artillerie et les armes, et conservassent tout
le reste de ses biens immeubles, excepté Alençon, Verneuil et
Semblançay. Le duc d’Alençon fut envoyé au château d’Aigues-Mortes,
où il demeura prisonnier.
Richemont étant sur le point de retourner en
Bretagne, le roi le pressa de rendre son hommage. On contesta
encore beaucoup au sujet de l’hommage lige : le duc soutint
avec fermeté qu’il n’y était point tenu ; il l’emporta enfin,
et fit son hommage à la manière usitée, le 14 octobre 1458.
Peu de jours après son retour en Bretagne, le
duc se sentit fortement indisposé ; sa santé était déjà
chancelante, et le bruit courait même qu’on avait essayé de se
défaire de lui par le poison. Il languit assez longtemps, et mourut
vers la fin de décembre 1458, après un règne de seize mois. La
Bretagne perdit en lui un des plus grands princes qu’elle eût eus
jusque alors. Il avait beaucoup de religion et d’excellentes mœurs.
Il était fier et affable, économe et libéral, ami de la vertu et de
tous les gens de bien, sévère à l’égard des méchants, protecteur
zélé de la faiblesse et de l’innocence, chéri du peuple, obligeant
et poli avec la noblesse, dont il était également estimé et aimé.
Ses grands talents pour la guerre le firent préférer aux plus
illustres capitaines de son temps pour la charge de connétable de
France, dont il remplit longtemps les fonctions avec beaucoup de
succès et de gloire. Ce fut en partie à son habileté pour la
conduite des armées que Charles VII fut redevable du
recouvrement de son royaume et de l’expulsion entière des Anglais,
qui, lorsqu’il mourut, n’avaient plus en France qu’une seule place
forte. Le mérite de Richemont lui fit beaucoup d’envieux à la cour,
et Charles VII prévenu lui refusa longtemps ses bonnes
grâces ; mais ni l’indifférence du roi, ni les mauvais
traitements des favoris ne purent jamais porter atteinte à sa
fidélité.
Quoique Arthur eût été marié trois fois, il ne
laissa pas un seul fils, et le duché de Bretagne échut à une
branche collatérale, dans la personne de François II. Il avait
une fortune très-médiocre avant d’être duc de Bretagne ;
Olivier de la Marche, qui l’avait vu à la cour de Bourgogne en
1410, disait de lui qu’il était
pauvre prince et disetteux,
mais beau, vertueux et de grande apparence.
Dès qu’il eut
appris la mort d’Arthur, il vint en Bretagne, accompagné de sa
mère, et fit son entrée solennelle à Rennes le 3 février 1459. Il
alla ensuite, le 28 du même mois, faire son hommage au roi à
Montbazon ; il protesta contre la prétention qu’on élevait de
lui faire rendre un hommage lige, et parvint à gagner sa cause.
Le commencement du règne de François II
fut honorablement marqué par l’érection d’une université dans la
ville de Nantes. Une bulle du pape lui accorda les mêmes privilèges
qu’aux universités de Paris, Bologne et Sienne : c’est-à-dire
que les étudiants en étaient préférés à tous les autres pour la
provision en cour de Rome des bénéfices ecclésiastiques ou
séculiers, qu’ils étaient dispensés de résidence, et qu’ils n’en
jouissaient pas moins des fruits annuels.
La Bretagne était florissante. Quelques
discussions ayant trait aux apanages des quatre duchesses qui
existaient à la fois (les trois veuves de
François I er , de Pierre II, d’Arthur III), et
la duchesse régnante, furent facilement apaisées. Charles VII
achevait alors sa carrière mémorable et sa vie agitée. Son
entourage n’attendit pas qu’il eût rendu le dernier soupir pour
l’abandonner et courir au-devant de la faveur de Louis XI, son
successeur. Seul, Tanneguy du Chastel, son grand écuyer, fils du
célèbre guerrier qu’on accusait d’avoir assassiné Jean Sans-Peur,
resta près du roi, sans crainte des ressentiments de Louis XI,
sans espoir d’en être récompensé ; seul, il conduisit à
Saint-Denis le corps de Charles VII, et lui fit faire à ses
frais de magnifiques obsèques. Il y dépensa plus de cinquante mille
livres (près d’un million de francs de nos
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