Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
fécond ne manqua jamais de ressources dans
les périls où la politique des temps jeta souvent son maître, mais
que son orgueil, sa cruauté, son despotisme, rendirent odieux aux
petits comme aux grands.
La mort de Landais amena la réhabilitation de
la mémoire du chancelier Chauvin ; le duc reconnu son
innocence, et restitua tous ses biens à Jean Chauvin son fils. Les
seigneurs exilés furent réhabilités et réintégrés dans leurs biens
confisqués. Le prince d’Orange devint général de Bretagne, le
maréchal de Rieux partagea ce titre avec lui, et le sire de Rohan
fut créé baron de Lanvaux, qui était une des plus grandes baronnies
de Bretagne (1486).
François II, accablé de vieillesse,
n’était plus qu’un instrument passif dans la main des hommes qui
l’entouraient. Cependant il songeait profondément aux malheurs que
le partage de sa succession, ou les querelles qui s’élèveraient à
sa mort, pourraient précipiter sur la Bretagne. Il réunit donc ses
états, déclara solennellement la princesse Anne son héritière, et
après elle sa seconde fille, Isabelle. On leur prêta serment comme
à deux souveraines ; et le baron d’Avaugour, issu de
François II, leur promit de ne jamais sortir du duché, afin de
leur donner, en sa personne, un gage constant de sa fidélité. Mais
le mariage même de la jeune Anne était déjà une source d’intrigues
pour les mécontents qui environnaient les rois de France,
d’Allemagne et d’Angleterre. Les prétendants étaient : le
prince de Galles ; l’archiduc Maximilien, roi des
Romains ; Louis duc d’Orléans [8] ; le
sire d’Albret ; le vicomte de Rohan, et le roi de France
Charles VIII.
M me de Beaujeu, toujours
en défiance des projets de Louis d’Orléans, continuait à le retenir
à la cour ; mais le duc, las de cette surveillance et
craignant d’être arrêté, se réfugia en Bretagne sous prétexte de
visiter sa sœur, abbesse de Fontevrault ; le comte de Dunois,
parent et ami de Louis, vint bientôt le rejoindre. Le roi, qui ne
les regardait que comme des factieux, leur déclara la guerre, à eux
et à leurs alliés. D’un autre côté, les seigneurs réhabilités,
s’imaginant que ces étrangers n’arrivaient en Bretagne que pour
servir le ressentiment caché que leur gardait François II,
crurent devoir s’opposer à cette ligue redoutable.
M me de Beaujeu ne manqua pas de fomenter la
rébellion qui se préparait ; elle offrit des hommes, donna de
l’argent, et trouva merveilleux de ruiner le duc par ses sujets et
ceux-ci par le duc. Quand la noblesse bretonne reconnut son erreur
et sa faute, il était trop tard ; l’envahissement de leur pays
par les armes de la France était consommé. À la nouvelle de
l’invasion, les intrigues des princes français se nouèrent avec
plus de force. Le duc d’Orléans promit de répudier sa femme, sœur
de Charles VIII, si François II consentait à lui donner
la main de la princesse Anne. Dunois, qui n’avait d’autre but que
de le servir, offrait cependant en secret la jeune duchesse au sire
d’Albret, à condition qu’il appelât en Bretagne ses troupes qui
combattaient dans les Pyrénées. On écrivit à Maximilien que le
succès du mariage qu’il rêvait dépendait du prompt envoi d’une
armée. Les mêmes moyens furent employés pour attiser l’ambition du
roi d’Angleterre.
Cependant les corps français réunis aux
vassaux des seigneurs bretons faisaient de rapides progrès.
Ploërmel, assiégé contrairement aux promesses du roi, se rendit
sans coup férir ; la garnison qui prétendait qu’on voulait la
faire massacrer par les étrangers, déposa les armes sans combat.
L’armée royale, fière de ses faciles succès, assiégea bientôt
François II dans Nantes, où il s’était réfugié. Le duc était
perdu si Dunois, à son retour d’Angleterre, ne se fût mis à la tête
de paysans, au nombre de quatre-vingt mille. L’armée française,
saisie d’épouvante à la vue de ces masses, se retira et mit fin à
un siège dont Charles VIII attendait un autre résultat.
Charles VIII voulait s’emparer de toute
la Bretagne, nonobstant les traités précédents. Désespérés de
l’état de leur patrie, les seigneurs bretons se rapprochèrent du
vieux duc, et sollicitèrent un pardon que sa bonté accorda à leur
repentir bien tardif. L’Angleterre s’émut ; elle s’agita, mais
sans fruit pour elle-même et sans résultats pour la Bretagne,
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