Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
signatures d’Édouard et de son
secrétaire. Cet aveu sauva la vie à Landais. Gourmel fut envoyé au
château d’Auray, et on donna ordre de le noyer secrètement.
Landais crut être parvenu à effacer les
impressions que Louis XI avait reçues par la trahison de son
messager, et il devint plus que jamais nécessaire au duc de
Bretagne. Il fut alors le maître absolu de tout, disposant des
charges et des bénéfices, réglant les affaires d’État, de justice
et de finances. Au reste, c’était peut-être le plus adroit
politique qui fût alors en Europe ; hardi et secret dans ses
entreprises, infatigable au travail, mais d’une dureté et d’un
orgueil insupportables, vindicatif et cruel, tyran du peuple,
oppresseur de la noblesse, et ennemi de tous ceux qui pouvaient lui
faire le moindre ombrage.
Landais haïssait surtout Chauvin, un des
hommes les plus vertueux que possédât la Bretagne. Il prévint le
duc contre lui, et obtint un ordre pour le faire arrêter. Il
l’accusa de péculat, de malversation dans sa charge, de trahison
même, et nomma des commissaires pour lui faire son procès,
c’est-à-dire pour le condamner. Le duc lui ôta sa charge et fit
saisir tous ses biens ; ce qui fut exécuté avec tant de
rigueur, qu’on ne laissa pas même à sa femme et à ses enfants de
quoi vivre. Chauvin ayant appelé à Louis XI et au parlement de
Paris, en déni de justice, le roi reçut l’appel du chancelier, le
prit en sa sauvegarde, et manda au duc qu’il lui ordonnait de
déférer à l’appel, de mettre Chauvin en liberté, ou de l’envoyer
avec les charges, s’il y en avait, à la conciergerie de Paris. Mais
sur ces entrefaites le chancelier mourut dans sa prison, accablé de
chagrin et des mauvais traitements qu’on lui avait fait essuyer. Sa
femme avait cessé de vivre, peu de jours auparavant, sur une place
publique. Quatre cordeliers les enterrèrent par charité, et le
cercueil ne fut accompagné que de leurs enfants et d’un vieux
pauvre (1478).
Il y avait longtemps que les Bretons étaient
indignés de la conduite de Landais : la mort de Chauvin acheva
de les exaspérer. Las de sa tyrannie, ils résolurent d’en secouer
le joug, et à cet effet de l’enlever de force et de lui faire faire
son procès, comme à un homme coupable de concussions, de violences
et de trahison contre l’État. Jean de Châlons, prince d’Orange,
était alors à la cour de François II, son oncle maternel. Le
motif secret de sa présence était une négociation dont il était
chargé, à l’insu de Louis XI, au sujet du mariage d’Anne de
Bretagne, sa cousine, avec l’archiduc Maximilien d’Autriche, veuf
depuis peu par la mort de Marie de Bourgogne, sa femme. Le prince
d’Orange, ne trouvant pas Landais favorable à ses vues, entra dans
la conspiration qui se tramait contre lui et s’en déclara le chef,
avec Jean de Rieux, maréchal de Bretagne, Louis de Rohan, François
Tournemine et plusieurs autres.
Les conjurés se rendirent un soir fort tard au
château de Nantes, s’emparèrent de ses clefs et de celles de la
ville, et entrèrent dans la chambre du duc, qui fut très-surpris de
leur visite à une heure si indue. François refusa d’abord de les
entendre ; mais il leur permit enfin de lui dire ce qui les
amenait. Ils lui représentèrent, un genou en terre, l’abus que
Landais faisait de son autorité, sa témérité, son orgueil, ses
injustices, ses duretés, son avarice et ses projets pernicieux, et
le supplièrent de le leur livrer pour qu’on lui fît son procès
comme à un criminel d’État. Le duc ne leur ayant pas donné une
réponse conforme à leurs désirs, ils se mirent à chercher Landais
dans tout le château mais inutilement, car il n’y avait pas soupé
ce jour-là. Landais, averti de la conspiration tramée contre sa
personne, s’enfuit à Pouancé. Les seigneurs eurent alors à se
repentir d’avoir si mal pris leurs mesures ; car le peuple
s’imaginant que c’était une conspiration contre le duc, s’assembla
en armes pour forcer les portes du château. Les conjurés se
barricadèrent et se mirent en état de défense, en même temps ils
firent paraître le duc aux créneaux. Celui-ci affirma au peuple
qu’on n’avait point attenté à sa personne, et que, pour en être
convaincus, ils pouvaient envoyer deux ou trois d’entre eux dans le
château. Le peuple, s’étant assuré de la vérité par ses délégués,
se retira.
Les seigneurs, ayant
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