Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
dépouillée de ses
biens, et à qui elle était infiniment supérieure par sa capacité,
elle se renferma dans les vertus de son sexe, tenant sa cour avec
dignité, veillant avec attention sur la conduite des dames dont
elle s’entourait, et s’occupant des soins domestiques et de
l’étiquette comme si elle n’eût pas été capable des affaires du
gouvernement. Cependant Mézerai dit que, dès son entrée en France,
elle voulut avoir part aux affaires, et
donna du coude
à
M me de Beaujeu ; mais ce ne fut que sous
le règne suivant que cette ambition se développa. Elle fit voir en
plusieurs occasions que le titre de duchesse de Bretagne, qui lui
appartenait en propre, lui était plus cher que celui de reine de
France ; elle affecta souvent une sorte d’indépendance à
l’égard du gouvernement de la Bretagne, réglant elle-même les
affaires de la province.
Peu de temps après la mort de la reine Anne,
Louis XII épousa Marie d’Angleterre. Il se vit alors forcé
d’abandonner la Bretagne au duc de Valois, son gendre, qui avait
épousé la princesse Claude ; mais il pourvut en même temps au
droit de Renée, sa seconde fille. Ce prince, surnommé
le Père
du peuple,
mourut l’année suivante (1515), après un règne de
dix-sept ans.
Le duc de Valois, sous le nom de
François I er , lui succéda. Ce prince, non content
du don que son prédécesseur lui avait fait de la Bretagne, voulut
que la reine Claude sa femme le lui confirmât. Elle lui donna
d’abord le duché à vie seulement ; mais, dans la même
donation, le roi l’engagea à le lui donner à titre d’héritage
perpétuel, en cas qu’il lui survécût sans avoir d’enfant d’elle (28
juin 1515), Immédiatement après la mort de Claude, arrivée en 1524,
le roi son mari nomma des commissaires pour recevoir en son nom le
serment et les hommages de la Bretagne : ce qui eut lieu dans
l’assemblée des états tenue à Rennes le 26 novembre 1524.
Par le traité de mariage entre Louis XII
et Anne de Bretagne, le second fils de France, ou à son défaut un
autre de ses fils, devait être revêtu du titre de duc de Bretagne
et posséder le duché en propre, à titre de souveraineté ; mais
dans le traité de mariage entre le duc de Valois et Claude, la
reine Anne sa mère avait spécifié que si sa fille avait un enfant
mâle elle pourrait lui donner le duché de Bretagne, dérogeant par
cet article à ce qu’il pourrait y avoir de contraire dans le traité
de son mariage avec le roi. Il est certain que pour la tranquillité
du royaume, et pour ses propres intérêts, il était à propos que la
Bretagne n’eût plus de souverains particuliers. Aussi la reine
Claude, dans son testament, donna-t-elle le titre de duc de
Bretagne au dauphin, son fils aîné.
Le roi, qui n’était qu’usufruitier de la
Bretagne depuis la mort de la reine, voulut, avant que le dauphin
en prît possession, que le duché fût irrévocablement uni à la
couronne. Il vint donc en Bretagne en 1532, et séjourna quelque
temps à Châteaubriant, en attendant l’assemblée des états indiquée
à Vannes. Il ne fut pas question dans cette assemblée de délibérer
si le duché serait uni à la couronne de France. Les Bretons
savaient bien que ce n’était pas dans le dessein de voir par la
suite ce duché séparé de la France, et soumis à des souverains
particuliers, que Charles VIII et Louis XII avaient
recherché avec tant d’empressement et épousé successivement
l’héritière de Bretagne. Ainsi, quoique la plupart des Bretons
eussent un penchant naturel pour le rétablissement de leurs ducs,
ils sentaient qu’ils étaient hors d’état de se le procurer en
supposant aux volontés du roi. Ce prince, ayant trois fils, aurait
pu, il est vrai, revêtir son second fils du titre de duc de
Bretagne, ou le troisième à son défaut ; mais il ne crut pas
que cette disposition fût avantageuse à l’État. La bonne politique
demandait qu’une province liguée depuis plusieurs siècles avec les
ennemis de la France, et révoltée sans cesse contre ses premiers
souverains, fût enfin incorporée à la monarchie, pour être
désormais hors d’état de lui nuire.
Après bien des résistances et des conditions
posées, les états de Bretagne durent enregistrer l’incorporation de
leur pays au royaume de France. Le dauphin se rendit alors à Rennes
le 12 août, et le 14 il fut couronné duc de Bretagne, avec des
cérémonies magnifiques. Ce prince
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