Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
duchesse de Bretagne : elle
avait, par son contrat de mariage, remis l’administration de ses
États au roi son époux. Charles VIII gouverna donc la Bretagne
pendant près de sept ans que dura leur union. À sa mort, arrivée en
1498, la reine fit éclater une douleur dont la sincérité toucha
tout le monde, surtout le duc d’Orléans, devenu roi sous le nom de
Louis XII. Il permit à Anne de retourner en Bretagne, de
rentrer en possession de son duché et d’y exercer tous les actes de
souveraineté. Elle se rendit à Nantes, où elle fit plusieurs
règlements très-utiles pour le bon ordre et pour l’administration
de la justice. Quand le temps du deuil de la reine fut passé,
Louis XII pensa à l’épouser ; car, selon le traité de
mariage entre Charles VIII et Anne, elle ne devait se remarier
au successeur de Charles. Mais par ce même contrat la reine
douairière avait la liberté de demeurer veuve ou de prendre un
époux dans la personne du plus prochain héritier de la
couronne : s’il arrivait qu’elle voulût rester veuve, la
France était en danger de perdre la Bretagne. D’ailleurs, la reine
épousant un autre prince que le roi de France, la Bretagne n’aurait
plus été unie à la couronne, et l’on voulait éviter cette
séparation si funeste au royaume.
Le remède qu’on trouva à cet inconvénient, fut
de faire dissoudre par l’autorité du pape le mariage de
Louis XII avec Jeanne de France, fille de Louis XI. Le
roi fit alors un traité avec Anne, par lequel il promit de lui
rendre toutes les places de Bretagne que les Français occupaient,
excepté Nantes et Fougères, qu’il garderait un an pour assurer
l’accomplissement de leur mariage, en cas que le saint-siège cassât
celui qu’il avait contracté avec Jeanne, et que, si cette affaire
ne pouvait réussir, il rendrait ces deux places. Anne, de son côté,
promit d’épouser Louis XII, dès que les commissaires nommés
par le pape auraient déclaré nul le mariage du roi. Après une
longue suite de procédures, les juges prononcèrent juridiquement,
le 17 décembre 1498, que le mariage contracté entre Louis XII,
alors duc d’Orléans, et Jeanne de France, était invalide et nul, et
que le roi pouvait se remarier avec telle personne qu’il voudrait.
Jeanne se retira à Bourges, où elle fonda l’ordre de l’Annonciade,
et passa le reste de ses jours dans la pratique de toutes les
vertus chrétiennes.
Louis XII se rendit à Nantes dès le
commencement de l’année suivante (1499), où il épousa Anne de
Bretagne le 8 janvier. Le contrat portait que le second enfant
mâle, ou fille à défaut de mâle qui naîtrait de leur union, et les
descendants de cet enfant, seraient ducs de Bretagne, comme
l’avaient été les prédécesseurs de la reine ; mais que si la
reine n’avait du roi qu’un seul enfant mâle, la condition susdite
serait accomplie par les enfants qui pourraient naître de cet
enfant mâle ; enfin, que si Anne mourait avant lui sans
laisser d’enfants, le roi jouirait pendant sa vie du duché de
Bretagne et des autres seigneuries dont la reine était en
possession, et qu’après la mort du roi, le duché et toutes ses
seigneuries seraient réversibles aux héritiers de la reine. Quant à
l’état de la Bretagne, il resta le même que sous le règne de
Charles VIII.
L’année même de son mariage, Anne mit au monde
une fille qui reçut le nom de Claude. Promise d’abord à l’archiduc
d’Autriche, elle fut ensuite fiancée à François de Valois, comte
d’Angoulême, qui régna depuis sous le nom de
François I er . La reine Anne mourut, âgée de
trente-sept ans, au château de Blois, le 9 janvier 1514, après une
cruelle maladie de sept jours ; son corps fut porté à
Saint-Denis et son cœur à Nantes, pour être mis dans le tombeau de
son père et de sa mère, conformément à ses dernières volontés. Des
quatre enfants qu’elle avait eus de Charles VIII et des quatre
autres qu’elle avait donnés à Louis XII, deux seulement
vécurent : madame Claude et madame Renée.
La Bretagne entière pleura la perte de la
bonne duchesse ;
les gentilshommes regrettèrent en
elle
le miroir de toutes les vertus de sa race,
les
pauvres leur mère, les bonnes villes la protectrice de leurs
privilèges, le clergé la fille dévouée de l’Église romaine, ce
refuge de la liberté des peuples. Femme soumise d’un prince qu’elle
n’avait épousé qu’avec répugnance, qui l’avait
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