Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
leur ville que les
prétentions étrangères firent irruption dans la Bretagne ; ce
fut leur inqualifiable versatilité qui amena la domination anglaise
et les guerres sanglantes qui désolèrent ce malheureux pays pendant
plusieurs siècles.
En effet, à peine le roi d’Angleterre eut-il
appris la mort de son frère, qu’il se hâta de venir en personne
réclamer son héritage. Conan, qui redoutait trop le puissant
monarque pour s’engager dans une guerre contre lui, mais qui voyait
avec peine son duché dépouillé d’une de ses plus fortes places,
consentit au mariage de sa fille Constance avec Geoffroy, troisième
fils de Henri II, enfant d’un mois à peine, et constitua le
comté de Nantes en dot à la princesse. Henri prit à l’instant
possession de la ville, aux honteux applaudissements des
Nantais.
La pusillanimité dont Conan venait de donner
la preuve ne l’arrachait pas au danger, et ne sauvait pas même ses
peuples des horreurs de la guerre. Elle existait en ce moment, plus
cruelle que jamais, entre deux de ses grands vassaux, les vicomtes
de Léon et du Faou. Le fils du vicomte de Léon, voulant venger son
père fait prisonnier par son antagoniste, assiégea Châteaulin,
s’empara du vicomte du Faou et de ses principaux serviteurs, les
enferma dans la tour de Daoulas, et les condamna à mourir de faim.
On apprit avec horreur les détails de leur long supplice : les
infortunés s’étaient mutuellement dévorés. Conan IV avait
prêté son assistance au vicomte de Léon : il fut bientôt puni
de ne s’être pas opposé à une si atroce inhumanité. La Bretagne fut
ravagée par une épouvantable famine, pendant le cours de laquelle
on vit se commettre les crimes les plus exécrables pour se procurer
une chétive subsistance. Le peuple attribua l’excès de sa misère,
aux fautes de ses souverains : la guerre se propagea de toutes
parts, et son sang fut répandu à flots par le glaive de
l’étranger.
Le vicomte de Léon quitta Conan pour s’unir à
Eudon : jaloux de l’influence du parti de l’Angleterre en
Bretagne, Raoul de Fougères, Jean de Dol et les comtes de Porhoët,
s’allièrent aussi à Eudon. Conan implora alors le secours de
Henri II, qui vint saccager Dol et Combourg. À la nouvelle de
cet appel à l’étranger, les grands formèrent des ligues offensives
et défensives, et les peuples, furieux, s’armèrent pour tout
abattre. Henri, après avoir fait ratifier le mariage de Constance
et de Geoffroy, son fils, exigea la cession régulière du duché de
Bretagne. Conan accorda tout ce qu’on voulut, ne se réservant que
le comté de Guingamp, que le roi d’Angleterre lui laissa, certain
de le reprendre quand il le voudrait. Henri traita dès lors la
Bretagne en pays conquis, disposa de toutes les charges et leva des
impôts extraordinaires. Les barons mécontents s’étant précipités
sur les terres de Conan, Henri envahit leur territoire, les défit
et les força de lui jurer obéissance, après avoir exigé d’Eudon,
comme otage, sa fille Alix.
La mort de Mathilde, sa mère, ayant appelé le
roi d’Angleterre en Normandie, les barons de Bretagne, Eudon et le
roi de France, Louis VII, profitèrent de son éloignement pour
se liguer contre sa tyrannie. Instruit du complot qui se trame,
Henri revient en toute hâte, et, pour se venger d’Eudon, déshonore
sa fille Alix. Un cri de douleur universel se fit entendre, des
plaintes retentirent dans toute la Bretagne ; car l’outrage
avait pénétré dans tous les cœurs. Mais des larmes ne suffisaient
pas, il fallait que la vengeance fût aussi éclatante que le crime
avait été odieux. La plume se refuse à transcrire les scènes
d’horreurs auxquelles donna lieu cette guerre, qui se termina
cependant tout à l’avantage du roi d’Angleterre : contre la
volonté impuissante de Conan, le fiancé de sa fille, âgé de dix
ans, reçut l’hommage des seigneurs bretons, comme duc de Bretagne
(1169). Henri II porta le fer et la flamme dans les terres des
grands qui refusaient de se soumettre au joug de l’étranger. Eudon,
condamné par un tribunal de sang, paya de la prison sa rébellion
contre le souverain anglais.
Tous ces maux furent le résultat de la
conduite antipatriotique des Nantais ; ils en furent punis par
les exactions odieuses des agents anglais, et, longtemps après,
l’opinion refusait encore de voir en eux des Bretons.
Conan mourut en 1171 ; il n’était plus
pour ses sujets qu’un
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