Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
comte de Guingamp, et le mépris général le
suivit dans la tombe. Sa mort ne changea pas la triste condition
des Bretons ; ils résistèrent vainement à la puissance
étrangère qui les envahissait comme un torrent. Henri s’empara de
tout le duché et du comté de Guingamp. Guyomarc’h de Léon n’avait
cessé de prendre le parti d’Eudon, qu’il regardait comme celui de
la Bretagne ; mais il vint s’humilier devant l’usurpateur, et
son exemple entraîna les seigneurs qui résistaient encore. Eudon
dut s’estimer heureux de demeurer pauvre et méconnu.
Les fils aînés de Henri II s’étaient
révoltés contre lui, forts de l’assentiment du jeune Geoffroy, ou
plutôt de ses conseillers. Craignant l’attachement des Bretons pour
leur jeune duc, craignant aussi qu’ils ne jugeassent l’occasion
favorable pour se soustraire à son joug, il manda près de sa
personne tous les barons de ce pays, sous prétexte de lui rendre
hommage. Plusieurs seigneurs, loin de se rendre à cet ordre, se
fortifièrent dans leurs châteaux et s’occupèrent à prévenir les
effets de la fureur de Henri : instruit de la conduite de ces
grands vassaux, le monarque anglais déchaîna contre la Bretagne une
troupe d’aventuriers, appelés Brabançons ou Routiers, misérables
enrôlés dans le Brabant, qui se donnaient à qui payait le mieux, et
qui pillaient, brûlaient, massacraient sans pitié. Comme ils
marchaient sans ordre et combattaient sans discipline, ces
aventuriers furent bientôt taillés en pièces par les Bretons, non
toutefois sans avoir causé de grands ravages.
Geoffroy, par les conseils de Rolland de
Dinan, se fit une étude de gagner les cœurs des seigneurs bretons.
Il refusa de rendre hommage pour son duché à son frère aîné,
couronné roi du vivant de son père. Henri II, pour le punir,
envoya faire le siège de Rennes ; cette ville fut prise et
brûlée en partie. Geoffroy vint assiéger à son tour les troupes
anglaises, qui se rendirent à discrétion. Après cette triste
expédition, il se réconcilia avec son père, et épousa la duchesse
Constance, à laquelle il était fiancé depuis sa naissance. Il
mourut à Paris, où il était allé voir Philippe-Auguste et implorer
son aide pour reconquérir l’Anjou sur son père. Quelques mois
après, Constance mit au monde un fils, qui reçut le nom d’Arthur,
et dont la naissance fut accueillie avec des transports de joie par
les fidèles Bretons. Mais Henri II, qui ne voulait pas que le
duché de Bretagne cessât de dépendre de lui, forma le dessein de
remarier la veuve de Geoffroy avec un seigneur anglais qui lui fût
tout dévoué, et qui ne fit aucune difficulté de lui rendre hommage.
Il maria donc la duchesse à Ranulfe, comte de Chester, et celui-ci
prit aussitôt le titre de duc de Bretagne. Les Bretons ne voulurent
point lui obéir, le regardant comme un usurpateur, et s’unirent
contre lui avec le roi de France et avec Henri et Richard, fils de
Henri II ; ce qui causa tant de chagrin à ce monarque
qu’il en mourut.
Richard, connu avec le surnom de
Cœur-de-Lion,
succéda à son père dans tous ses États, dont
il donna une portion peu considérable à son frère Jean Sans-Terre,
et dont Arthur ne reçut rien, quoiqu’il représentât Geoffroy, son
père. Ranulfe fut alors chassé de Bretagne, et Richard se mit peu
en peine de l’y rétablir. Comme il était très-puissant, il gouverna
en maître absolu et la duchesse et le duché, qui appartenait de
droit à Arthur.
Richard fit en 1190 le voyage de la
Terre-Sainte avec Philippe II. Étant en Sicile, il s’engagea
par un traité avec Tancrède, roi de cette île, à faire épouser la
fille de ce prince au jeune Arthur, son neveu et son héritier
présomptif. Tous les seigneurs de sa cour firent serment pour lui
qu’il accomplirait fidèlement cette promesse. Il toucha alors vingt
mille écus d’or d’avance, pour la dot de cette princesse.
Guillaume, évêque d’Ély, chancelier et grand justicier
d’Angleterre, reconnut en même temps le jeune Arthur pour héritier
présomptif de Richard, et le fit reconnaître en cette qualité par
le roi d’Écosse.
CHAPITRE V
Arthur.
(1190 – 1208)
Cependant Jean Sans-Terre, fort mécontent que
le chancelier eût ainsi déclaré Arthur héritier présomptif des
États de Richard, lui fit la guerre, et, ayant assemblé les états à
Londres, il le fit dépouiller de la régence. Richard, à cette
nouvelle, prit la
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