Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
résolution de repasser en Europe, pour rétablir
le calme dans son royaume ; mais il fut arrêté à Vienne en
Autriche, et livré au duc Léopold, son ennemi. Celui-ci l’envoya à
l’empereur, qui le retint prisonnier pendant plus d’un an. Richard,
de retour en Angleterre, pour se venger de son frère, le dépouilla
de toutes les terres qu’il possédait, d’où lui vint le nom de Jean
Sans-Terre. Sur ces entrefaites, Arthur fut reconnu pour duc de
Bretagne, dans une assemblée des états tenue à Rennes. Richard, qui
peut-être avait formé le dessein de réunir la Bretagne au domaine
de sa couronne et d’en être le suzerain, irrité de voir que cette
province lui échappait, eut recours à la ruse. Il envoya inviter sa
belle-sœur la duchesse Constance à venir le trouver en Normandie.
Son dessein était de l’arrêter, persuadé que lorsque la Bretagne ne
serait plus gouvernée par cette habile princesse, il lui serait
aisé de subjuguer un enfant et de s’emparer de ses États. Ranulfe,
chassé par les Bretons, s’était attaché au roi d’Angleterre :
ce fut lui qui se chargea de s’emparer de la duchesse. Il l’arrêta
à Pontorson, lorsqu’elle allait trouver le roi d’Angleterre, et
l’enferma dans le château de Saint-James-de-Beuvron, qui lui
appartenait. Les Bretons firent alors appel au roi de France ;
mais cette démarche leur fut préjudiciable, et sans aucune utilité
pour procurer la liberté à leur duchesse. Richard entra dans la
Bretagne à la tête de ses troupes et la ravagea. Il fit main basse
sur tous les Bretons qui tombèrent entre ses mains, sans épargner
les enfants. Plusieurs s’étant cachés, il les poursuivit avec le
fer et le feu jusque dans leurs retraites, et signala de la manière
la plus barbare sa vengeance et sa fureur. Puis il fit tous ses
efforts pour se rendre maître de la personne du jeune Arthur ;
mais Guihenoc, évêque de Vannes, le mit en sûreté, et l’envoya
ensuite à la cour du roi de France.
Il y eut un seigneur breton qui s’opposa
courageusement aux fureurs de Richard : ce fut Alain de Dinan.
Après lui avoir tenu tête en Bretagne, il se rendit à l’armée de
Philippe, qui assiégeait la ville d’Aumale. Le roi d’Angleterre
quitta la Bretagne, et s’avança pour combattre l’armée française.
Philippe accepta le combat, qui fut opiniâtre de part et d’autre.
Richard, ayant aperçu dans le fort de la mêlée Alain de Dinan, qui
s’était un peu écarté pour rajuster son casque, marcha sur lui la
lance baissée. Alain, ayant aussi reconnu le roi d’Angleterre,
courut avec fureur contre ce prince. La lance du roi se brisa
contre le bouclier de son ennemi. Celle d’Alain, ayant glissé sur
l’écu du roi, passa entre ses jambes, et ce prince fut renversé par
terre avec son cheval ; mais aussitôt les Anglais accoururent
à son secours, et le tirèrent du péril où il était. Cette chute ne
fut pas le seul affront qu’il reçut au siège d’Aumale : il fut
encore obligé de fuir avec toute son armée et de laisser prendre la
ville. De son côté il y eut trente chevaliers faits prisonniers, et
de ce nombre fut Gui de Thouars, depuis duc de Bretagne. Du côté du
roi de France, Philippe, il n’y eut personne de tué ni de pris.
Cependant les Bretons, voyant que Philippe ne
venait pas à leur secours, conseillèrent à Arthur de s’accommoder
au plus tôt avec Richard. Par malheur pour ce jeune prince, Alain
de Dinan, son principal soutien, était mort depuis peu, et il se
trouvait sans appui. Les Bretons conclurent donc avec Richard un
traité, où il ne fut fait aucune mention d’Arthur, de peur
d’offenser le roi de France, entre les mains duquel il était
demeuré. Constance fut en même temps mise en liberté, et elle
continua de gouverner la Bretagne, comme elle avait fait
auparavant. Peu de temps après, Arthur s’échappa de la cour de
Philippe, et se rendit auprès de Richard, son oncle, qui fit alors
la guerre à la France ; mais elle fut bientôt terminée par un
traité.
Richard mourut en 1198, à la suite d’une
blessure qu’il avait reçue au siège d’un château du Limousin. Il
désigna par son testament (du moins les partisans de Jean
Sans-Terre le prétendirent) le prince Jean, son frère, comme
héritier de tous ses États, à l’exclusion d’Arthur, son neveu, qui,
selon les coutumes de Normandie, du Maine, de Touraine et d’Anjou,
devait lui succéder dans sa suzeraineté sur ces
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