Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
provinces, comme
représentant Geoffroy, frère aîné de Jean. Aussi la Touraine et
l’Anjou se déclarèrent-elles d’abord pour Arthur ; mais la
Normandie, peu disposée à obéir à un prince breton, reconnut Jean
pour son souverain, et l’Angleterre, par différents motifs, en fit
autant.
Constance, qui n’avait épousé Ranulfe que par
contrainte, ayant invoqué le trop proche degré de parenté entre
elle et son mari, fit annuler son mariage et s’unit à Gui de
Thouars. En même temps elle remit Arthur son fils entre les mains
du roi de France, qui avait déclaré la guerre à Jean. Philippe
l’emmena à Paris, lui promit sa protection, et reçut son hommage
pour l’Anjou, le Poitou, le Maine, la Touraine, la Normandie et la
Bretagne. Mais Philippe ayant paru songer à ses intérêts bien plus
qu’à ceux du jeune duc, on le retira d’entre ses mains, et l’on
ménagea un rapprochement entre l’oncle et le neveu. Il fut confié
encore l’année suivante au roi de France, qui avait conclu la paix
avec le roi d’Angleterre, et Philippe obligea Arthur à faire
hommage de son duché et de ses autres terres au roi Jean, comme duc
de Normandie. Une des conditions du traité fait entre les deux rois
était que, si Jean mourait sans postérité, Philippe hériterait de
toutes ses terres situées en France, c’est-à-dire, non-seulement de
la Normandie, mais encore de l’Anjou, du Maine et de la Touraine,
qui de droit appartenaient à Arthur, et que Jean prétendait lui
appartenir. Jean obtint même l’investiture de l’Anjou. C’est ainsi
que les intérêts de ce jeune prince étaient également sacrifiés et
à ceux de son ennemi et à ceux de son protecteur.
Pour comble de malheur, Arthur perdit sa mère,
Constance, qui mourut à Nantes en 1201, laissant deux filles de son
mariage avec Gui de Thouars, Éléonore et Alix.
L’année suivante, le roi de France se brouilla
avec le roi d’Angleterre, et le somma, comme son homme
lige [1] , de comparaître à Paris dans la quinzaine
d’après Pâques, pour y répondre à ce qu’il avait à dire contre lui.
Il lui ordonna en même temps de restituer au jeune Arthur toutes
les terres qu’il possédait deçà la mer, à savoir : la
Normandie, le Poitou, l’Anjou et la Tou raine. Jean n’ayant pas
comparu, Philippe, de l’avis de son conseil et de celui de tous les
seigneurs de son royaume, lui déclara la guerre, assembla son armée
et marcha sur la Normandie. En même temps il arma Arthur chevalier,
et reçut à Gournai son hommage lige pour la Bretagne, le Poitou,
l’Anjou, le Maine et la Touraine. Philippe donna ensuite une somme
considérable d’argent à son protégé, et l’envoya conquérir le
Poitou. Arthur commença par assiéger Mirebeau, dont il se rendit
maître aisément. Jean accourut aussitôt pour l’en chasser, et se
hâta de prévenir la jonction des troupes qui allaient se ranger
sous les étendards de son neveu. Il reprit la place et fit
prisonniers les principaux seigneurs du parti d’Arthur et Arthur
lui-même. Il en enferma vingt-deux des plus distingués par leur
valeur dans le château de Corf, où il les laissa mourir de faim.
Les autres furent dispersés en différentes prisons de Normandie et
d’Angleterre. Pour Arthur, Jean l’envoya au château de Falaise, où
il fut enfermé. C’est là qu’il alla le voir pour l’exhorter à se
désister de ses prétentions, et lui représenter la folie qu’il
faisait de se fier à l’amitié du roi de France, l’ennemi naturel de
sa famille. Le courageux jeune homme répondit à ses conseils qu’il
n’abandonnerait ses droits qu’avec la vie. Jean se retira pensif et
mécontent ; Arthur fut transféré au château de Rouen, et
renfermé dans un cachot de la nouvelle tour.
Jean conçut alors le plus horrible dessein,
celui de faire périr son neveu. N’osant d’abord tremper lui-même
ses mains dans le sang d’Arthur, il employa les caresses, les
présents et les promesses les plus séduisantes auprès de ceux qu’il
crut entièrement dévoués à ses intérêts, afin de les engager à
commettre le crime qu’il méditait. Mais ne trouvant personne pour
prêter sa main à cet affreux attentat, il se vit réduit à lui-même
pour son exécution. Nous laissons parler un chroniqueur
contemporain, Guillaume le Breton :
« Le roi Jean, à qui seul la vie de son
neveu était odieuse, qui seul était poussé par son esprit à
commettre un tel meurtre,
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