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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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s’éloigne secrètement de tous les
officiers de sa cour, se détermine à s’absenter pour trois jours,
et va se cacher dans les vallées ombreuses de Moulineaux. De là, et
la quatrième nuit étant venue, au milieu de la nuit, Jean monte
dans une petite barque, et traverse le fleuve, en se dirigeant vers
la rive opposée. Il arrive à Rouen, et s’arrête devant la porte par
où l’on arrive à la tour, sur le port que la Seine inonde deux fois
chaque jour, à de certaines heures, du reflux de ses ondes…
    « Le roi… se tenant debout sur le haut de
la poupe de sa barque, ordonna que son neveu sortît de la tour et
lui fût amené par un page ; puis l’ayant placé avec lui dans
sa barque, et s’étant un peu éloigné, il se retira enfin tout à
fait. Alors l’illustre enfant, déjà placé près de la porte par où
l’on sort de la vie, s’écriait : « Mon oncle, prends
pitié de ton neveu ! épargne, mon oncle, mon bon oncle,
épargne ton neveu, épargne ta race, épargne le fils de ton
frère ! » Tandis qu’il se lamentait ainsi, l’impie, le
saisissant par les cheveux, au-dessus du front, lui enfonça son
épée dans le ventre, jusqu’à la garde, et la retirant encore
humectée de ce sang précieux, la lui plonge de nouveau dans la tête
et lui perce les deux tempes ; puis s’éloignant encore, et se
portant à trois milles environ, il jette son corps privé de vie
dans les eaux qui coulent à ses pieds (1203). »
    Le corps d’Arthur fut trouvé par des pêcheurs,
et enterré sans bruit dans le prieuré de Notre-Dame-du-Pré,
dépendant de l’abbaye du Bec.
    Éléonore, sœur de l’infortuné duc de Bretagne,
communément appelée
la vierge de Bretagne,
fut envoyée en
Angleterre, et placée dans la retraite la plus rigoureuse, afin
qu’elle ne pût, en se mariant avec un prince étranger, susciter un
nouveau prétendant à la succession de son frère.
    Dès que la nouvelle du meurtre d’Arthur se fut
répandue dans la Bretagne, elle y souleva tous les esprits. Les
barons et les évêques s’étant assemblés à Vannes pour délibérer sur
l’état présent des affaires, il fut résolu qu’on députerait vers le
roi de France, pour lui porter, comme au seigneur lige du roi Jean,
les plaintes de la Bretagne au sujet du meurtre d’Arthur, et pour
le supplier de venger un crime si énorme. Gui de Thouars présida
cette assemblée, et prit le titre de duc de Bretagne.
    Philippe, sollicité par les Bretons et plus
encore par l’horreur générale qu’inspirait ce crime, cita le roi
Jean, comme vassal de sa couronne, à comparaître devant la cour de
ses pairs, pour répondre sur l’accusation de parricide justement
intentée contre lui. Jean n’ayant pas déféré à la citation, les
barons le condamnèrent par contumace à perdre toutes les terres
qu’il possédait en France. Au milieu de ces pertes, Jean paraissait
insensible et ne s’occupait que de ses plaisirs. Quand on lui
parlait des conquêtes du roi de France, il répondait
fièrement : « Je reprendrai en un seul jour tout ce qu’il
m’a pris en plusieurs années. » Il semblait que sa stupide
inertie fût la punition du forfait exécrable qu’il avait commis, et
que son ambition, qui avait étouffé en lui les sentiments de la
nature, fût elle-même étouffée par ses remords et par la répulsion
de tous ses peuples.
    Cependant il avait toujours en sa puissance la
princesse Éléonore, sœur d’Arthur, et il la retenait captive à
Bristol, sous la garde de quatre chevaliers. Philippe, craignant
que Jean, après avoir fait mourir cette princesse comme son frère,
ne vînt s’emparer de la Bretagne, où il avait des partisans, jugea
à propos de le prévenir. Il se présenta donc devant Nantes ;
Gui de Thouars, avec qui il avait des intelligences, lui en fit
aussitôt ouvrir les portes. Philippe fut alors reconnu par les
Bretons pour seigneur de la Bretagne pendant la minorité de leur
princesse, et Gui de Thouars ne fut plus regardé que comme régent,
en attendant qu’Alix, sa fille aînée, dont le roi prit la garde
noble [2] , fût en état de gouverner.
    Jean se réveilla enfin, passa la mer, aborda à
la Rochelle, prit Angers, ruina cette ville et ravagea toute la
province. Il se présenta ensuite devant Nantes, et mit tout à feu
et à sang dans la Mée et dans le pays de Rennes. Philippe accourut
bientôt au secours des Bretons avec une puissante armée, et
contraignit Jean à se retirer. Ce

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