Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
n’en pourraient troubler le repos. Ce roi
forma en effet le dessein de s’assurer pour toujours la possession
du duché de Bretagne ; mais il s’y prit mal. Au lieu de
commencer par dompter tous les Bretons et les mettre hors d’état de
lui résister, il employa des formalités précoces contre le duc Jean
pour le dépouiller juridiquement. Après l’avoir fait ajourner à
comparaître en personne, le roi se rendit au parlement le 9
décembre 1378 et tint son lit de justice. Le procureur du roi dit
que Jean de Montfort,
qui fut duc de Bretagne
, était tombé
dans les crimes de félonie et de lèse-majesté par son alliance avec
les ennemis de l’État et par les hostilités qu’il avait commises en
France. Il conclut à ce qu’il fût déclaré déchu de sa pairie et que
son duché fût confisqué. Alors le procureur de la comtesse de
Penthièvre se leva, et dit que Jean de Montfort n’avait jamais été
duc de Bretagne, qu’il n’avait été que le détenteur de ce duché.
Enfin, après plusieurs procédures, il fut déclaré, le 18 du même
mois, que Jean de Montfort avait encouru toutes les peines du crime
de lèse-majesté, et qu’en conséquence le duché de Bretagne, le
comté de Montfort et tout ce qu’il tenait en France, étaient acquis
au roi, qui pouvait et devait dès lors en prendre possession et
l’unir au domaine de la couronne.
La comtesse de Penthièvre, blessée de cet
arrêt, représenta que le duché de Bretagne ne pouvait être
confisqué, n’étant point dans son origine un démembrement de la
couronne de France ; que si Jean de Montfort, en punition de
sa félonie, méritait de perdre le duché, elle ne devait pas pour
cela être privée de ses droits qu’elle lui avait cédés par le
traité de Guérande ; et que, puisque celui avec qui elle avait
traité était déclaré déchu de ses prétentions, c’était à elle de le
remplacer. Malgré ces raisons, Charles V ordonna au duc de
Bourbon, à Louis de Sancerre, maréchal de France, et à Jean de
Vienne, amiral, d’entrer en Bretagne à la tête d’une armée, pour
faire exécuter l’arrêt du parlement et prendre possession en son
nom du duché. Cette armée ne partit qu’au printemps de l’année
suivante (1379).
Le roi, qui s’était flatté que toute la
Bretagne allait se soumettre à lui, s’aperçut bientôt qu’il s’était
trompé. De tous les Bretons sur lesquels il comptait le plus, il
n’y en eut qu’un fort petit nombre qui entra dans ses vues. Tous
les autres résolurent unanimement de s’opposer à son projet et de
défendre leur pays contre l’usurpation dont il était menacé.
Charles V, étonné de cette noble fermeté à laquelle il ne
s’attendait pas, entreprit de gagner par des promesses ou
d’intimider par des menaces les seigneurs de Bretagne qui lui
parurent les plus puissants et les plus obstinés. Il manda donc à
Paris le sire de Laval, Bertrand Du Guesclin, Olivier de Clisson et
le vicomte de Rohan. Ces gentilshommes consentirent volontiers à
tout ce que le roi exigea d’eux, à l’exception du sire de Laval,
qui ne voulut jamais promettre de faire la guerre au duc, et qui
s’engagea seulement à ne point se déclarer contre le roi. De son
côté, le sire de Lohéac, à la tête de quarante gentilshommes, forma
à Rennes une ligue pour s’opposer à l’invasion de la Bretagne, et
souleva contre le roi toute la noblesse du pays. Ces confédérés se
promirent par écrit et avec serment de s’entr’aider à défendre le
droit ducal de la Bretagne contre tous ceux qui voudraient s’en
emparer, excepté celui à qui le duché devait appartenir par droit
de naissance, etc.
Bientôt la Bretagne entière entra dans cette
ligue et s’arma pour la défense du droit ducal. Tous ceux qui
avaient été jusque alors dans les intérêts contraires, se réunirent
pour s’opposer à l’usurpation, et l’on prit, d’un accord unanime,
la résolution de députer en Angleterre vers Jean de Montfort, pour
le prier de revenir en Bretagne.
Le duc apprit avec joie la nouvelle
disposition de ses sujets à son égard, et promit aux députés de
partir prochainement. Mais avant de s’embarquer il fit un traité
avec le roi d’Angleterre, par lequel ce monarque s’engagea à lui
fournir deux mille hommes d’armes et deux mille archers, payés pour
quatre mois et demi. Le duc, de son côté, s’obligea à faire la
guerre dans ses États aux ennemis de l’Angleterre, et après
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