Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
cette
époque, s’il avait entièrement recouvré son duché, à la faire hors
de la Bretagne aux Français, avec deux mille combattants, à ses
propres frais, durant neuf mois.
Lorsque tout fut prêt pour son départ, Jean de
Montfort s’embarqua à Southampton. À la hauteur de Caen, il envoya
annoncer son retour à Geoffroy de Kerrimel, un des seigneurs
bretons qui lui étaient le plus dévoués. Enfin il prit terre près
de Saint-Malo, pour se rendre de là à Dinan. La noblesse et le
peuple allèrent au-devant de lui. « On voyoit, dit un ancien
auteur, les plus grands seigneurs, vêtus superbement, se jeter dans
l’eau pour approcher du vaisseau du duc, et se mettre à genoux dans
la mer même, pour le saluer et lui témoigner leur respect. »
Le duc vint à Dinan, où, quelques jours après, les principaux
barons se rendirent près de lui avec des troupes. Le vicomte de
Rohan, qui avait été un de ses plus grands ennemis, lui amena
quatre cents lances. La comtesse de Penthièvre même prit part à la
joie publique, et arriva à Dinan pour féliciter son cousin sur son
heureux retour. Chose remarquable ! malgré tant de troubles et
de ravages, Jean de Montfort retrouva ses meubles, sa vaisselle et
ses trésors dans le même état que s’il les eût conservés
lui-même ; il toucha aussi tous les revenus du duché, que
pendant son absence on avait déposés dans un lieu sûr.
Le duc, après avoir remercié les seigneurs des
témoignages d’attachement et de fidélité qu’ils lui donnaient en
cette occasion, les renvoya chez eux afin qu’ils se disposassent à
la guerre, indiquant Vannes comme le point où toutes les troupes
devaient se réunir. Quelques jours après il se rendit à
Rennes : le peuple et le clergé, en procession, allèrent
au-devant de lui et le reçurent avec de grandes démonstrations de
joie.
Du Guesclin, qui jusque alors s’était flatté
de pouvoir soutenir en Bretagne les intérêts du roi, voyant que la
plupart des seigneurs et des villes se déclaraient hautement contre
les prétentions de la France, commença à augurer mal du succès de
la guerre. Clisson, qui n’approuvait pas la réunion du duché à la
couronne, mais qui haïssait personnellement le duc, vint joindre le
connétable, et tous les deux se rendirent à Pontorson, auprès des
ducs d’Anjou et de Bourbon, qui à la tête d’une armée se
préparaient à entrer en Bretagne. En même temps celle de Jean de
Montfort s’assembla à Vannes, et marcha sur Pontorson pour
combattre les troupes françaises, dont une partie, à cette
nouvelle, se débanda. Le duc d’Anjou, abandonné d’un assez grand
nombre de ses soldats, crut devoir proposer à Jean une trêve d’un
mois. Le duc de Bretagne, qui craignait les armes de la France, et
qui ne cherchait qu’à amuser le roi, y souscrivit volontiers et
consentit à remettre la décision de ses différends avec
Charles V entre les mains du duc d’Anjou et du comte de
Flandre. Mais le roi de France persistant à vouloir que l’arrêt de
confiscation fût exécuté, les engagements de part et d’autre furent
sans effet.
Le roi d’Angleterre et Jean de Montfort firent
alors une convention par laquelle le duc de Bretagne s’engagea à ne
point traiter avec la France et les autres ennemis des Anglais,
sans le consentement de Richard. Richard, roi d’Angleterre depuis
la mort d’Édouard et du prince de Galles, s’engageait à comprendre
le duc de Bretagne dans tous les traités qu’il passerait. Il fut de
plus arrêté, dans le parlement de Westminster, que Thomas de
Wodestok, comte de Buckingham, débarquerait à Calais avec six mille
hommes, et traverserait le royaume de France pour se rendre en
Bretagne. Buckingham, depuis duc de Glocester, aborda à Calais le
19 juillet 1380 ; après y avoir demeuré deux jours, il se mit
en marche avec son armée, traversa la Picardie et entra dans
l’Île-de-France. Les Anglais publiaient partout que les Bretons les
avaient appelés afin de se joindre à eux pour faire la guerre au
roi. La plupart des seigneurs bretons avaient en effet consenti que
le duc employât le secours des Anglais, mais seulement pour
empêcher le roi de France d’asservir la Bretagne, et non pour
porter aucun préjudice au royaume.
Du Guesclin, ne pouvant oublier que la
Bretagne était sa patrie, blâma la rupture de la trêve, et déclara
qu’il ne servirait plus contre son pays. Le chambellan Bureau de la
Rivière, qui redoutait
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