Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
Peut-être le roi me le rendra-t-il un jour. »
Puis il se mit en campagne à la tête de ses braves : partout
l’Anglais fuyait devant lui, abandonnant ses conquêtes passées. Le
connétable était dignement secondé, et lui et ses compagnons firent
de si belles actions, que le roi en les apprenant, s’écria :
« Je voudrais être Breton ; il n’y a pas de plus
vaillante nation au monde ! »
Il récompensa largement les troupes de
Bertrand, qui venaient de nettoyer le Poitou, et les dirigea sur la
Guienne, où elles se couvrirent d’une gloire nouvelle. En peu de
temps la Saintonge, le Rochelois, la Gascogne, se trouvèrent purgés
d’Anglais, et le roi combla les Bretons de tant d’honneurs, ils
acquirent une telle renommée parmi les guerriers de cette époque,
qu’on ne croyait point à la vaillance d’un soldat s’il ne se disait
Breton.
Le duc de Bretagne, loin de prendre part à
l’allégresse générale, s’affligeait des désastres de l’armée
anglaise. Non-seulement il leur avait donné passage à travers son
pays, mais encore il était resté chez lui pendant la guerre dont
nous venons de parler, pour ne pas exposer ses États, disait-il, à
l’invasion des ennemis de la France. Charles V n’était pas
dupe de cette hypocrisie, et il attendait un moment favorable pour
le punir d’avoir sitôt manqué à ses promesses. De plus, Jean
n’avait su se concilier ni l’affection de ses barons, ni l’amour de
ses sujets des classes plus humbles ; tous en général
embrassaient le parti de la France contre leur seigneur. On se
plaignait hautement, et avec raison, de ce que Jean préférait les
Anglais aux Bretons. En effet, honneurs, richesses, places, tout
était réservé aux insulaires. L’injustice devint si manifeste, que
la plupart des seigneurs bretons s’empressaient de se rattacher à
la cause française.
Jean IV, loin de chercher à calmer
l’exaspération toujours croissante de ses peuples, livra aux
Anglais toutes ses places maritimes, telles que Brest, Concarneau,
Quimperlé, Hennebon ; et les barons en conçurent de telles
alarmes, qu’ils députèrent vers le roi de France pour le supplier
d’occuper les bonnes villes de Bretagne et d’y placer des hommes de
guerre, afin de les délivrer du joug de l’étranger. Charles V,
irrité de la conduite du duc, qui favorisait ainsi ses ennemis et
leur ouvrait ses ports, envoya au connétable l’ordre d’entrer en
Bretagne avec une armée, pour lui faire la guerre et le contraindre
de chasser les Anglais. Du Guesclin partit à la tête de quatre
raille hommes, accompagné des ducs de Bourgogne, de Berri, de
Bourbon, et s’avança jusqu’à Rennes. Les Bretons les plus dévoués à
la personne du duc lui conseillèrent alors d’entrer en arrangement
avec le roi de France et de renvoyer les Anglais, pour détourner
l’orage dont il était menacé. Le duc, qui avec sept cents lances
s’était approché de l’armée française dans le dessein de la
combattre, rejeta cet avis. Cependant il ne tarda pas à prendre une
résolution plus sensée, qui fut de négocier avec le connétable et
les autres chefs de l’armée ennemie. Le duc promit de renvoyer
prochainement les Anglais, et Du Guesclin se retira. C’est ainsi
qu’un auteur contemporain raconte ce fait. Un autre historien, un
peu postérieur, l’expose avec des circonstances différentes.
L’armée française, selon lui, s’avança jusqu’à Rennes, d’où la
duchesse venait de partir pour se retirer à Vannes. On dépêcha
après elle cinq cents hommes d’armes, qui la joignirent à quatre
lieues de là et l’amenèrent au duc de Bourbon. La duchesse, en le
voyant, s’écria : « Ah ! beau cousin, suis-je
prisonnière ? – Non, Madame, répondit le duc, je ne fais point
la guerre aux dames. » En même temps il lui fit rendre tout ce
qu’on lui avait pris, excepté des lettres d’alliance entre le roi
d’Angleterre et le duc son mari ; ensuite on lui donna une
escorte pour la conduire à Lohéac. L’armée française se présenta
devant Redon : le sire de Rieux, qui y commandait, étant sorti
de la place pour s’aboucher avec les généraux, on lui fit voir les
lettres qu’on avait prises à la duchesse. Ce seigneur, après les
avoir lues, protesta qu’il ne servirait jamais le duc tant qu’il en
userait ainsi à l’égard de son souverain. « Alors, ajoute cet
auteur, comme la saison était avancée, les chefs de
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