Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
déchargé de sa foi et hommage. En même temps le
comte de Salisbury reçut en Bretagne un secours d’Angleterre, et
envoya offrir la bataille au connétable. Comme il s’était fait un
détachement considérable de l’armée de Bretagne, par ordre du roi,
pour aller en Picardie, le connétable ne jugea pas à propos
d’accepter le combat. Le général anglais lui proposa de rendre les
otages, ce que Du Guesclin refusa. Salisbury entra alors dans Brest
avec des vivres et des munitions : le connétable, de son côté,
se retira avec ses otages, accusant le comte d’avoir enfreint le
traité.
À l’égard de celui qui avait été fait par le
commandant du château de Derval, nommé Broite, Knolle désavoua cet
officier, qui était son neveu, en disant qu’il n’avait pu traiter
sans sa participation. Le duc d’Anjou, lorsque le terme prescrit
fut expiré, vint en personne au siège de Derval, et envoya sommer
la garnison de se rendre, et, en cas de refus, menaça de faire
mourir les otages. Knolle qui était entré dans la place malgré le
traité, fit répondre qu’il se mettait peu en peine de cette menace,
et qu’il userait de représailles. Le duc ordonna donc qu’on amenât
les otages en vue du château, et qu’on leur coupât la tête. Knolle
fit aussitôt dresser une espèce d’échafaud à une des fenêtres du
fort, y fit monter quatre prisonniers qu’il avait, trois chevaliers
et un écuyer, et aux yeux des assiégeants il les fit décapiter.
Après cette cruelle exécution, le duc d’Anjou et le connétable
levèrent le siège et retournèrent en France pour s’opposer aux ducs
de Lancastre et de Bretagne, qui, à la tête de trente mille hommes,
étaient entrés en France, et y commettaient de grands désordres.
Ils traversèrent une grande partie du royaume, et se rendirent à
Bordeaux, où le duc de Bretagne passa le reste de l’année.
Au commencement de l’année suivante (1374), il
s’embarqua et vint séjourner quelque temps à Auray. Il fit
fortifier cette place et celles de Derval et de Brest, presque les
seules qui tinssent pour lui en Bretagne. Mais, se voyant haï et
abandonné de ses barons et de presque tous ses sujets, il résolut
de retourner en Angleterre, où il emmena la duchesse sa femme.
Après avoir habité quelque temps son comté de Richemont, il reçut
d’Édouard un secours de trois mille archers, payés pour six mois,
et de quatre mille hommes d’armes commandés par Edmond, comte de
Cambridge, fils du roi d’Angleterre. Le duc s’embarqua avec cette
armée à Southampton, et aborda à Saint-Mahé : il assiégea
d’abord le château, le prit et passa la garnison au fil de
l’épée : exemple qui intimida la ville et la força d’ouvrir
ses portes. Il se préparait à faire d’autres conquêtes, et il était
sur le point de prendre Quimperlé, lorsqu’on lui apporta une copie
du traité de Bruges, par lequel le roi de France et le roi
d’Angleterre étaient convenus d’une suspension d’armes pendant un
an, entre eux et leurs alliés. Le duc, se voyant les mains liées
par ce traité, jugea à propos de repasser en Angleterre. De là il
se rendit en Flandre, où il resta quelque temps, espérant
s’accorder avec Charles V et rentrer en grâce. Frustré de ses
espérances, il retourna encore en Angleterre, où il trouva Édouard
atteint de la maladie dont il mourut, le 23 juin 1377. Comme la
trêve conclue par le traité de Bruges, et prolongée depuis, était
expirée (1377), les hostilités recommencèrent en Bretagne. Le duc
de Lancastre partit d’Angleterre avec une armée considérable, et
vint assiéger Saint-Malo ; mais Du Guesclin et Olivier de
Clisson le forcèrent à lever le siège et à s’en retourner. Peu de
temps après, Charles V fit attaquer Auray : après un
siège assez long, la ville se rendit à Clisson, lieutenant du roi
en Bretagne.
Durant tous ces troubles, le duché se trouvait
dans un état déplorable. La justice n’était plus rendue, le bon
droit était opprimé : ce n’était partout que violence et
déprédation. Les exactions des seigneurs ne faisaient pas moins
gémir le peuple que les ravages des gens de guerre. Charles V
étant devenu le maître de toute la Bretagne, à la réserve de deux
ou trois places, il semblait que l’ordre et la tranquillité
allaient être rétablis dans la province, sous la paisible
domination de la France, et que désormais ni les Anglais ni les
autres partisans du duc
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