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Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Histoire de la Bretagne ancienne et moderne

Titel: Histoire de la Bretagne ancienne et moderne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Barthélémy (de Paris)
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se trouvait en ce moment la comtesse de
Penthièvre, Marguerite de Clisson. Elle gardait contre les Montfort
la haine profonde que son père leur avait autrefois vouée ;
l’ambition de Jeanne de Blois, sa belle-mère, revivait dans son
âme. Cette passion se réveilla plus vivace que jamais lorsqu’elle
sut le trépas du prince dont l’existence avait été si longtemps
l’unique empêchement qui s’opposât à ce que son époux s’assît sur
le trône ducal de Bretagne. Une pensée horrible germa dans le cœur
de Marguerite : les enfants de Jean IV allaient être
remis à la disposition de Clisson. Elle accourut à la chambre du
connétable, qui reposait encore et pleurait la mort de son ancien
ennemi. « Monseigneur mon père, lui dit-elle, ores ne
tiendra-t-il plus qu’à vous si mon mari ne recouvre son héritage de
Bretagne. Nous avons de si beaux enfants, monseigneur, je vous
supplie que vous nous y aidiez. – Et par quel moyen se pourroit-il
faire ? répliqua le vieux chevalier. – Ah ! reprit la
dame, vous n’êtes pas sans savoir comment le feu duc, qui nous a
fait tant de tort et de dommage, est trépassé ; et pourtant il
vous a laissé le gouvernement de ses enfants avec le duc de
Bourgogne. Par ce moyen, lesdits enfants vont se trouver entre vos
mains avant que le duc de Bourgogne soit arrivé par deçà ;
vous pouvez les faire mourir secrètement, et par – ainsy notre
héritage sera recouvré. »
    Clisson se crut un moment la proie de l’esprit
du mal ; mais retrouvant bientôt sa raison, il s’écria :
« Ah ! femme cruelle et perverse, si tu vis longuement,
tu seras cause de détruire tes enfants d’honneur et de
biens ! » Il saisit en même temps une pertuisane, dont il
l’eût tuée sur-le-champ, si elle ne se fût sauvée ; ce qu’elle
fit avec tant de précipitation qu’elle se rompit une jambe, dont
elle demeura boiteuse tout le reste de sa vie. Mais ce malheur,
loin de l’adoucir, servit d’excitation perpétuelle à sa
vengeance ; et, comme l’avait prédit son père, elle entraîna
ses enfants à leur perte à force d’attentats. Le testament de
Jean IV ne fut pas retrouvé, et l’on se vit obligé de s’en
rapporter à quelques codiciles.
    Le duc d’Orléans s’avança jusqu’à Pontorson
avec des troupes, en qualité de commissaire du roi, pour s’emparer
de la personne du fils aîné du feu duc et de ses autres enfants,
dont la garde noble appartenait au roi de France, comme seigneur
direct de la Bretagne. Mais les Bretons ayant déclaré unanimement
qu’ils voulaient garder leur jeune prince jusqu’à ce qu’il fût plus
avancé en âge, le duc d’Orléans fut obligé de se retirer. Quant à
Clisson, il n’eut aucune part au gouvernement de la Bretagne
pendant la minorité de Jean V.
    Quand le jeune duc eut atteint l’âge de douze
ans, il fit son entrée solennelle dans la ville de Rennes (22 mars
1401
),
accompagné de sa mère, des prélats, des barons et
d’un grand nombre de gentilshommes et de membres notables de
l’Église et du tiers-état. À la porte de la ville il fit serment de
protéger la foi catholique, de maintenir la noblesse dans la
possession de toutes ses franchises et libertés, de rendre justice
au peuple et de tâcher de rétablir ce que le temps avait détruit ou
affaibli. Il se rendit ensuite à la cathédrale, où, suivant la
coutume, il passa toute la nuit en prière devant le maître-autel de
Saint-Pierre. Le lendemain, avant la grand’messe, il fut fait
chevalier par Olivier de Clisson, et conféra ensuite de sa main la
même dignité à ses deux frères, Arthur et Gilles. Puis il fut
revêtu des habits ducaux ; on lui mit un cercle d’or sur la
tête et l’épée nue à la main, qu’il tint pendant tout le saint
sacrifice et à la procession qu’on fit par la ville.
    Le comte de Derby, devenu Henri IV, roi
d’Angleterre, avait autrefois vu la duchesse de Bretagne, et il
avait conçu pour elle beaucoup d’estime. Il connaissait d’ailleurs
l’autorité que les lois et le testament de Montfort lui donnaient
sur ses enfants, et il savait qu’elle avait un beau douaire en
Bretagne, dont le comté de Nantes faisait partie. Il se persuada
donc que l’alliance de cette princesse pourrait lui être
très-avantageuse, surtout dans le cas où la France eût voulu lui
faire la guerre, comme il en était menacé. Enfin il s’imagina qu’en
l’épousant il se rendrait maître des enfants qu’elle

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