Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
secrétaire une lettre pleine de courtoisie
et d’amitié pour Clisson, par laquelle il lui demanda un entretien
particulier. La lettre fut portée à Josselin, où le connétable se
trouvait, par un homme discret et affidé, avec ordre de rapporter
la réponse, et de ne dire à qui que ce fût où il allait ni qui
l’envoyait. Clisson fut un peu surpris de recevoir de la part du
duc une lettre si remplie de bonté et de marques d’affection. Il la
lut plusieurs fois, ayant de la peine à croire qu’elle fût bien de
Montfort ; mais le cachet ne lui permit pas d’en douter. Il
douta seulement que le changement de ce prince à son égard fût
sincère. Dans cette pensée, il lui fit répondre qu’il était disposé
à l’aller trouver comme il le souhaitait, mais qu’il le priait de
l’y engager en lui donnant pour sûreté son fils aîné en otage. La
condition était dure ; mais le duc avait résolu de ne rien
refuser. Le jeune prince avait à peine six ans : il partit
pour Josselin sous la garde de trois chevaliers, qui devaient le
laisser dans ce château et ramener le connétable. Clisson, à la vue
de ce précieux dépôt, ne put plus douter de la bonne foi du duc.
Touché de cette marque éclatante de confiance et d’estime, il
résolut aussitôt de l’aller trouver et de lui ramener son fils. Le
duc fut à son tour très-touché de la générosité de Clisson :
ils eurent ensemble un long entretien, qui termina tous leurs
différends ; chacun se relâcha de ses prétentions, et l’on
conclut enfin un traité de paix, qui, dicté parla bonne foi, fut
très-fidèlement exécuté. Tous les troubles de la Bretagne furent
alors pacifiés, et le duc ne songea plus qu’à faire des alliances
qui pussent contribuer à affermir son autorité et à augmenter sa
puissance.
Dans cette vue, il projeta l’union de sa fille
Marie avec Henri d’Angleterre, fils aîné du comte de Derby et
petit-fils du duc de Lancastre. Cette proposition, qui avait
d’abord plu à la cour d’Angleterre, n’eut point de suites, Montfort
ayant changé de résolution et marié sa fille au fils du comte
d’Alençon. Piquée de ce changement, la cour d’Angleterre refusa de
rendre Brest, comme elle l’avait promis si l’union d’abord projetée
se fût accomplie.
Montfort conclut en même temps le mariage de
son fils aîné avec Jeanne de France, fille de Charles VI. Le
duc suivit ensuite le roi à Saint-Omer, et fut témoin de l’entrevue
entre le monarque anglais et Charles VI, au sujet du mariage
d’Isabelle de France avec Richard. Richard pria Charles de faire
grâce à Pierre de Craon [6] , et Charles
pria Richard de restituer le comté de Richemont et le port de Brest
au duc de Bretagne, et Cherbourg au roi de Navarre. Les deux
souverains s’accordèrent leurs demandes réciproquement. Mais le
comte de Derby, devenu roi d’Angleterre (1398) sous le nom
d’Henri IV par la déposition de Richard II, ôta à
Montfort son comté de Richemont pour le donner à Raoul Nevil, comte
de Westmoreland.
Le duc ne survécut pas longtemps à cette
perte. Il mourut à Nantes dans la tour neuve du château, la nuit du
1 er au 2 novembre 1399, et fut enterré le lendemain dans
le chœur de l’église cathédrale de Nantes. On prétend qu’il fut
empoisonné, et tous les historiens donnent ce fait pour constant.
Telle fut la fin de Jean IV, surnommé
le Conquérant
pour avoir deux, fois conquis son duché. Ce fut un prince également
politique et guerrier, qui éprouva tour à tour les faveurs et les
disgrâces de la fortune ; il fut ami constant des Anglais,
parmi lesquels il avait été élevé et à qui il avait de grandes
obligations, puisque sans eux il n’eût jamais été duc de
Bretagne.
Jean laissa quatre enfants mâles :
Jean V, qui lui succéda ; Arthur, comte de Richemont,
connétable de France, et depuis duc de Bretagne ; Richard,
comte d’Étampes et de Vertus ; et Gilles de Bretagne. Il avait
aussi donné le jour à trois filles : Marie, duchesse
d’Alençon ; Blanche, comtesse d’Armagnac, et Marguerite.
CHAPITRE X
Jean V de Montfort. – Il est victime d’un
guet-apens que lui tend Olivier de Penthièvre. – Sa délivrance. –
Crimes, procès et supplice de Gilles de Raiz.
(1401 – 1442)
Le testament de Jean IV confiait,
disait-on, au duc de Bourgogne, son plus proche parent, la tutelle
de ses enfants et lui adjoignait Clisson. La nouvelle en arriva au
château de Josselin, où
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