Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
être la même, quand l ’o pinion sur le bien et le mal est la même; or il n ’ en est rien, et l ’ habitude ou le vice causent, pour une même opinion, des passions plus fortes. La véritable cause des passions est qu ’ il y a en nous deux parties : un démon qui est de même nature que Dieu, et une partie mauvaise, bestiale, sans raison, athée. La passion consiste à plier la première partie à la seconde ; p.406 contrairement à ce que dit Chrysippe, il y a des inclinations qui sont mauvaises en elles-mêmes ; notre tempérament corporel lui-même nous prédispose à telle ou telle passion ; et ce n ’ est pas par des arguments qu ’ on adoucit ou que l ’ on combat les passions ; on ne peut agir sur l ’ irrationnel que par des moyens irrationnels ; par exemple certains rythmes musicaux détendent la colère ou le désir.
Partout, Posidonius semble avoir eu pour but de rechercher les liaisons dynamiques des choses. « Le bon géographe, dit-il, doit considérer les choses terrestres en liaison avec les célestes. » Sur ce principe, il recherche les causes à la manière d ’ Aristote sans se soucier du prétendu mystère des choses. Dans l ’ ensemble, il essaye de déduire des conditions des zones trouvées par l ’ astronomie mathématique, les conditions climatériques et leur influence sur l ’ organisme ; c ’ est ainsi que, malgré la géographie purement physique, qui rejette le fait comme un conte, il admet le récit de Pythéas de Marseille qui avait observé un pays où le jour le plus court de l ’ hiver durait quatre heures, et le plus long de l ’ été dix-huit heures. Même esprit, à la fois expérimental et mathématique, dans sa théorie des marées ; il en observe les variations quotidiennes, mensuelles et annuelles, et, après quelques autres, les attribue à l ’ influence de la lune, à laquelle il adjoint l ’ action du soleil.
Ce goût de Posidonius pour les sciences se reporte naturellement aux arts qui font la civilisation et qu ’ il considère comme le fruit de la plus haute sagesse de l ’ humanité. « Comment, lui demande Sénèque en critiquant ses idées sur ce point, peut-on admirer à la fois Diogène et Dédale [580] ? » Cette question fait voir à quel point le niveau de la philosophie de Posidonius, qui prétend embrasser d ’ une seule vue l ’ homme et la nature, dans toutes leurs manifestations les plus complexes, est au-dessus du mince ascétisme des cyniques. C ’ est à travers l ’ histoire p.407 entière de l ’ humanité qu ’ il suit le rôle de la sagesse ; l ’ âge d ’ or passé, où les sages étaient rois, ils ont dû se faire législateurs et inventer des lois pour s ’ opposer aux vices croissants des hommes ; puis ils ont inventé les arts qui facilitent la vie quotidienne, comme celui de bâtir ; ils ont découvert les métaux, et leurs usages, les arts agricoles, le moulin à blé ; Anacharsis invente la roue du potier ; Démocrite le four à poterie. Sénèque est un peu scandalisé du terre à terre de cette sagesse. Pour Posidonius, il est évident que rien n ’ est inséparable et que la raison humaine doit être à un égal degré artisane et théorique. Ces grandes découvertes se font d ’ ailleurs par des emprunts à la nature : le feu d ’ une forêt a fondu le premier les métaux ; les dents de l ’ homme ont commencé à moudre le grain de blé ; il n ’ y a pas entre art et nature cette opposition qu ’ on se plaît à signaler.
Posidonius applique la même idée à l ’ histoire de la civilisation ; dans sa suite à Polybe, en cinquante-deux livres qui traitent des événements qui ont eu lieu de 145 à 86, il apprécie la civilisation romaine comme une continuation des civilisations précédentes, étrusque et grecque ; mais elle leur a donné la perfection et l ’ achèvement.
L ’ histoire comme la géographie, comme la morale et la physique témoignent, pour Posidonius, d ’ une même continuité dynamique que l ’ objet de la philosophie est de partout retrouver.
III. — LES ÉPICURIENS DU I er SIÈCLE
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L ’ épicurisme participa, lui aussi, à cette sorte de renaissance de la philosophie après la conquête romaine ; Apollodore qui meurt en 81 ; Phèdre que Cicéron entend à Athènes en 79, Zénon de Sidon qui était un vieillard en 76, Philodème de Gadara, un ami de Cicéron, dont les fouilles d ’ Herculanum ont révélé
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