Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
leurs conversations a été gardé par Cicéron, Pline l’Ancien et Plutarque ; Pompée l’y entendit défendre la philosophie contre les usurpations du rhéteur Hermagoras : le philosophe doit se réserver les thèses générales et l’orateur se contenter des hypothèses [577]. Il fut aussi l’ami et le maître de Cicéron qui séjourna à Rhodes en 77. Comme Panétius, Posidonius a adhéré de plein cœur au parti romain ; l’historien Polybe, qui voit dans la domination romaine la p.402 conclusion de l ’ histoire, fait leur lien ; Panétius est l ’ ami de Polybe, et Posidonius a continué son histoire.
De ses ouvrages philosophiques pas plus que de ses ouvrages scientifiques, mathématiques, historiques et géographiques, d ’ une œuvre dont l ’ ampleur n ’ est comparable qu ’ à celle de l ’ encyclopédie d ’ Aristote, il ne reste rien. Pour reconstituer sa pensée il faut utiliser de Cicéron le livre II du traité De la Nature des Dieux , le livre I er des Tusculanes , le traité Sur la Divination : Galien nous fait connaître sa polémique contre Chrysippe sur la nature des passions ; Sénèque, dans les Questions naturelles , a utilisé un ouvrage météorologique d’Asclépiodote de Nicée, dont les idées remontent à Posidonius ; Strabon le cite souvent dans sa Géographie , et Cléomède, dans sa Théorie du mouvement circulaire s ’ inspire de lui ; aj outons enfin quelques données de Proclus sur sa pensée mathématique dans son Commentaire sur Euclide .
Tout cela est bien fragmentaire, et la question si importante du sens et de la portée historique de l ’ œuvre de Posidonius reste fort controversée, surtout depuis que Heinze, en 1892, dans son ouvrage sur Xénocrate, et Norden, en 1903, dans son Commentaire du V I e livre de l ’ Énéide, ont cru reconnaître l ’ influence de Posidonius sur le mythe eschatologique du V I e livre de l ’ Énéide de Virgile et sur celui qui termine le traité de Plutarque Sur le visage qu ’ on voit dans la lune . Ces mythes tout platoniciens, dont le dernier surtout représente l ’ âme purifiée s ’ élevant vers les régions célestes, rapprochés du Songe de Scipion , dans lequel Cicéron montre l ’ âme, après la mort, contemplant l ’ ordre du monde, rapprochés aussi de ce fait que Posidonius, beaucoup plus nettement encore que Panétius, est revenu, contre le stoïcisme, à la théorie platonicienne de l ’ âme, ont amené à voir en Posidonius un penseur surtout religieux, auteur d ’ une synthèse entre le stoïcisme et le platonisme, et l ’ initiateur véritable du néo-platonisme. Partant de cette hypothèse, on a voulu voir les traces de la pensée de p.403 Posidonius, partout où l ’ on trouve cette sorte d ’ ascétisme mystique, qui surabonde à la fin de l ’ antiquité et qui suppose une conception de l ’ âme et une conception du monde : l ’ âme composée de deux éléments, l ’ un pur, l ’ autre impur, qui souille le premier et dont le premier doit se libérer ; un monde fait, à l ’ image de cette âme, d ’ une région pure (le ciel ou Dieu) où doit atteindre l ’ esprit et d ’ une région impure dans laquelle il se trouve ; tels, les nombreux passages ascétiques de l ’ œuvre de Philon d ’ Alexandrie (dont le traité De la Création du monde viendrait d ’ un Commentaire du Timée de Posidonius), ceux de Sénèque et les conceptions cosmologiques du petit traité Du Monde qui se trouve dans la collection des œuvres d ’ Aristote.
Si l ’ on s ’ en tient à ce que l ’ on sait certainement, on se gardera de faire de Posidonius l ’ auteur responsable de ces croyances que nous allons voir s ’ insinuer sous tant de formes à partir de notre ère.
L ’ image posidonienne de l ’ univers ressort avec clarté du livre II du traité de Cicéron Sur la nature des dieux , dès que l ’ on accepte la belle analyse critique qu ’ en a faite Reinhardt. Il a montré, en comparant ce livre avec les passages correspondants de Sextus Empiricus, que Cicéron y a utilisé deux traités stoïciens de caractère fort différent, le premier, développement d ’ une théorie d ’ école, fait de syllogismes accumulés et constamment répétés sous plusieurs formes, le second d ’ un style tout différent, faisant grande place à l ’ intuition et à l ’ expérience, sans se servir de syllogismes ; chaque fois que Cicéron use de ce traité, on ne
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