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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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spéciale de l ’ homme à Dieu  ; si l ’ homme est libre, c ’ est qu ’ il est une des parties principales de la nature en vue desquelles toutes les autres choses sont faites  ; étant une partie principale, il est non pas comme les autres choses une œuvre de Dieu, mais un fragment de Dieu  ; Dieu l ’ a donné à lui-même au lieu de le laisser dépendant  [615] . Mais il faut bien entendre que cette apothéose de l ’ homme est moins une donnée brute qu ’ un idéal à réaliser et comme une croyance directrice.
     
    VI. — MARC-AURÈLE
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    L ’ examen de conscience quotidien est une pratique morale recommandée par Sénèque, qui la rapporte au Pythagoricien Sextius. Chaque soir, avant le sommeil, il faut se demander : «  Quel mal ai-je guéri aujourd ’ hui  ? A quel vice ai-je résisté  ? En quoi suis-je meilleur  [616] ? » C ’ est sûrement à ces pratiques de méditation intérieure que nous devons les pensées que Marc-Aurèle s ’ est adressées à lui-même. Il s ’ agit avant tout pour l ’ empereur, au milieu de ses soucis politiques et de ses campagnes contre les Barbares, de se garder contre le découragement. On sent chez lui une énergie qui a toujours besoin de se tendre à nouveau. Le sentiment de détresse au réveil, les pensées troublantes qui lui viennent, les reproches d ’ autrui p.429 sur ce que lui-même croit être le bien, la gêne de la cour et de la société, le sentiment du vide, de la monotonie et de la petitesse, les surprises de la chair, la violence de la colère, l ’ horreur du néant qui attend l ’ âme après la mort, voilà quelques exemples des dangers contre lesquels il lutte par une assidue méditation. Il ne pense pas grand bien en général des remèdes que propose la philosophie  ; il sait l ’ incertitude de la physique et ne veut pas lier la vie morale à telle ou telle notion sur le monde et les dieux  ; il connaît la vaine ostentation des leçons publiques  ; il sait tout ce qu ’ a d ’ inefficace et d ’ inhumain la méthode de réprimande un peu brutale  ; il y a chez lui une politesse qui l ’ exclut  [617] . Aussi emploie-t-il peu les affirmations trop massives du stoïcisme  ; que la mort soit une chose indifférente, ce n ’ est pas là son thème ordinaire de consolation  ; il songe plutôt que par elle l ’ individu est rendu à l ’ univers et se diffuse dans le tout, qu ’ elle est un affranchissement, qu ’ elle nous fait échapper au danger de décrépitude intellectuelle  [618] .
    Son thème fondamental, c ’ est en effet partout le rattachement de l ’ individu à l ’ univers  : c ’ est la seule chose qui donne un sens à la vie, si instable et passagère en elle-même. Cette affirmation de la bonté radicale du monde est même quelque chose de plus et de plus profond que la croyance ordinaire en la providence. «  Même si les dieux ne s ’ occupent nullement de moi, je sais que je suis un être raisonnable, que j ’ ai deux patries, Rome, en tant que je suis Marc-Aurèle, et le monde, en tant que je suis homme, et que le seul bien, c ’ est ce qui est utile à ces deux patries.  » Ainsi, même en ce cas, l ’ affirmation religieuse fondamentale subsisterait  ; l ’ acte moral est comme un épanouissement de la nature universelle chez l ’ homme  ; l ’ homme doit produire, comme un arbre donne ses fruits, sans le savoir  [619] . Après Marc-Aurèle, le stoïcisme traîne une existence p.430 obscure  : sans doute les philosophes des autres écoles le connaissent, l ’ utilisent, l ’ exposent, le critiquent. L ’ enseignement de Plotin comporte la critique de bien des théories physiques notamment  ; les commentateurs d ’ Aristote le citent fréquemment pour l ’ opposer à leur maître. D ’ autre part, les moralistes de l ’ école, avec leurs consolations, leurs diatribes, leurs exercices moraux deviennent, avec les œuvres semblables des Cyniques, le bien commun de tous  ; chrétiens comme païens utilisent ce riche arsenal de réconfort moral. Ce succès éclatant et durable a lieu sans les Stoïciens. On a vu combien les Stoïciens de l ’ époque impériale s ’ étaient eux-mêmes détachés d ’ un dogme technique, auquel Épictète ne paraît plus consentir que par une sorte de scrupule professionnel  : simultanément on voit ce dogme, p r esque sans vie déjà, attaqué par les sceptiques et remplacé par un autre, celui des Platoniciens.
     
    VI I.

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