Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
Alexandre , a dévoilé les odieuses machinations. Plotin lui-m ême présente le monde sensible comme un vaste réseau d ’ influences magiques et donne la philosophie comme le seul moyen d ’ échapper à ces influences. On sait aussi le succès qu ’ eut le roman de Philostrate (vers 220), où le Pythagoricien Apollonius de Tyane s ’ initie à tous les procédés magiques de l ’ Orient. Dans son Alexandre , Lucien nous dit que le charlatan considérait comme ses principaux ennemis « les Épicuriens et les chrétiens » . Le fait est que, dès la fin du II I e siècle, l ’ État voit dans ces superstitions un danger public ; de nombreuses mesures furent prises contre elles [671] ; dès 296, une loi interdit l ’ astrologie ; sous Constantin, une loi de 319 interdit l ’ art divinatoire privé, et, en 321, précise les formes légales dans lesquelles la divination est permise ; une nouvelle loi contre la divination (358), l ’ interdiction des sacrifices (368), un procès contre les magiciens et les philosophes (370), lois encore renforcées sous Théodose sans parler de nombreux édits contre le paganisme en général, qui continuent jusqu ’ au V e siècle, tout cela nous montre avec quelle ardeur étaient poursuivies les idées et les pratiques dont les néoplatoniciens avaient rendu leur philosophie complètement solidaire ; les vies de nos philosophes, celle de Plotin par Porphyre, les Vies des Sophistes , d ’ Eunape (vers 375), la vie de Proclus, par Marinus (vers 490), celle d ’ Isidore, par Damascius (vers 511), nous montrent en effet des milieux où, de plus en plus, les croyances superstitieuses étaient acceptées d ’ enthousiasme et où l ’ on cherchait les contes les plus absurdes sur l ’ influence magique d ’ une pierre noire ou d ’ une statue. Il faut ajouter que ce n ’ est pas pour leur absurdité que les pouvoirs publics veulent réformer ces superstitions ; c ’ est que tout le monde les craint parce que tout le monde, chrétiens comme païens, gens du peuple comme gens instruits, croit à leur efficacité et en a peur. Les p.469 sceptiques et les Épicuriens dont parle Lucien se font rares. Il faut se représenter cet univers traversé d ’ influences magiques sympathiques, auxquelles on ne songe pas à opposer la connaissance la plus élémentaire des lois de la mécanique. Jamais on n ’ a été plus loin qu ’ à cette époque d ’ une conception mécaniste de l ’ univers ; nulle action qu ’ une sorte de rayonnement qui ne connaît pas l ’ obstacle de la distance ; on veut ignorer ou éviter toute transmission mécanique de forces : pour Plotin, le milieu matériel qui est entre l’œil et l ’ objet, visible, loin de servir à transmettre la lumière, ne peut être qu ’ un obstacle à son influence [672] ; et il n ’ admet pas non plus la transmission mécanique de l ’ impression de l ’ organe des sens au siège de l ’â me ; il repousse avec force la prétention d ’ assimiler l ’ action naturelle à celle d ’ un levier. Comment comprendre la production mécanique d ’ une qualité comme la couleur [673] ? Loin que la magie soit une exception, l ’ action naturelle des choses les unes sur les autres n ’ est qu ’ un cas particulier de l ’ universelle magie.
Divinité des astres, éternité du monde, croyance à la magie, croyance que les âmes, d ’ origine divine, sont destinées à retourner aux dieux, tels sont les dogmes d ’ une foi que l ’ on s ’ habitue à appeler l ’ hellénisme par opposition au christianisme. Cette croyance a ses livres saints ; ce sont les Oracles chaldéens , que l ’ on attribue à une antiquité reculée et qui datent au moins du II I e siècle, puisque Porphyre les utilise ; c ’ est, en réalité, un simple exposé versifié du platonisme ; Proclus l ’ estime à tel point qu ’ il avait l ’ habitude de dire qu ’ il verrait sans regret tous les livres détruits si l’on gardait seulement les Oracles et le Timée de Platon. Cette croyance a aussi son culte, et il se produit même une dissidence des plus curieuses, entre les « théurges » qui veulent réduire l ’ hellénisme à une pratique rituelle, en abandonnant toute spéculation philosophique, et p.470 les philosophes purs. La théurgie est la connaissance des pratiques nécessaires pour faire agir l ’ influence divine où et quand on veut ; c ’ est un art qui n ’ est pas sans
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