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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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qu ’ elle l ’ avait trouvée  ; la matière est impassible, elle est l ’ absolue pauvreté du mythe du Banquet . Aussi n ’ y a-t-il pas union véritable de la forme et de la matière  ; il faut plutôt dire que le sensible est un simple reflet passager de la forme dans la matière, et qui n ’ affecte pas plus la matière que la lumière n ’ affecte l ’ air qu ’ elle remplit  [660] .
    Cette incapacité de recevoir la forme et l ’ ordre, de la posséder, de la garder, cette impossibilité de dire  : moi , d ’ avoir un p.462 attribut positif, c ’ est le mal en soi, et c ’ est la racine de tous les maux qui existent dans le monde sensible. Le mal n ’ est pas en effet une simple imperfection puisque, alors, il faudrait dire que l ’ Intelligence est mauvaise parce qu ’ elle est inférieure à l ’ Un. Vice, faiblesse de l ’ âme, tout ce qui paraît être le mal en soi, n ’ est un mal que parce que l ’ âme est entrée en contact avec la matière, est plongée dans le devenir à cause de ce contact  ; elle s ’ en purifie non pas en s ’ en rendant maîtresse, mais en la fuyant. Si cette matière existe pourtant, c ’ est parce qu ’ il faut que tout degré de réalité soit épuisé  ; elle n ’ est pas indépendante de l ’ Un  ; elle en est seulement comme le dernier reflet, avant l ’ obscurité complète du néant  [661] .
    Dans l ’ appréciation de Plotin sur l ’ origine du mal, nous rencontrons simultanément deux théodicées de principes fort différents  : dans l ’ une, celle dont nous venons d ’ indiquer le principe, le mal c ’ est la matière, et la chose sensible est un reflet dans un reflet  ; on y échappera en revenant aux réalités. L ’ autre, celle qu ’ il développe en ses derniers écrits, en est bien différente  : le logos ou raison, principe d ’ harmonie, joue le beau jeu du monde, et chaque être a dans le monde une place et un rôle qui le font convenir avec l ’ harmonie du tout  ; il pâtit ou subit tout ce qui convient en cette qualité  ; la souffrance qu ’ il subit (comme celle de la tortue trop lente pour échapper au chœur qui s ’ avance et la foule aux pieds) peut être un mal pour lui, si on le considère isolément et détaché de tout  ; elle n ’ est pas un mal pour l ’ univers  [662] . On voit ici deux thèses étrangères l ’ une à l ’ autre  : d ’ une part une théodicée pessimiste n ’ acceptant comme remède au mal que la fuite hors du monde, dans la réalité suprasensible  ; d ’ autre part une théodicée progressive et optimiste, admettant le remède stoïque de l ’ assentiment volontaire. Mais sont-elles contradictoires  ?
    Laideur du sensible, fuyant, évanouissant, indéterminé  ; p.463 beauté du cosmos, ordonné, harmonieux, réglé par des lois éternelles, c ’ est l ’ ascétisme du Phédon , à côté de l ’ admiration du Timée pour l ’ art du démiurge  : deux sentiment distincts, mais non contradictoires, puisqu ’ ils répondent à la dissociation du monde sensible en ses facteurs réels, abaissant d ’ une part notre vue vers l ’ indétermination de la matière, et l ’ élevant d ’ autre part vers l ’ âme du monde et la région suprasensible. La beauté que nous admirons en une chose, Plotin l ’ a dit dans le premier traité qu ’ il ait écrit, Du beau (I, 6), n ’ est point une simple disposition des parties de cette chose, c ’ est le reflet d ’ une idée suprasensible  ; c ’ est donc le monde intelligible que nous admirons effectivement dans le monde sensible et auquel nous sommes renvoyés par une dialectique nécessaire qui sépare l ’ ordre du désordre.
    Cette distinction permettra de comprendre la difficile question de la destinée des âmes individuelles. Rappelons que Plotin admet une sorte d ’ unité de toutes les âmes, toutes les âmes dérivant d ’ une âme unique, à la manière dont les intelligences dérivent de l ’ Intelligence. L ’ âme du monde a préparé pour chacune une demeure correspondante à sa nature et qu ’ elle doit diriger pendant le temps fixé par l ’ ordre des choses. L’âme dirige le corps, on s ’ en souvient, seulement parce qu ’ elle contemple l ’ ordre intelligible  ; tournée ou convertie vers ce monde et étant par là elle-même intelligence, elle reste auprès de l’intelligence, tandis qu ’ un reflet d ’ elle-même va éclairer et vivifier le corps. Mais, parce que

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