Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
une méthode qui participe non moins à la méthode aristotélicienne, classant les concepts des caractères les plus généraux aux plus particuliers, qu’à la dialectique platonicienne ; une méthode aussi qui permette de retrouver, dans le monde intelligible, déduites et bien à leur place, les mille formes religieuses que distingue le paganisme, dieux, démons, héros, etc. Ce vaste classement est vide de la vie spirituelle qui animait les Ennéades et qui maintenant déchoit d’une part jusqu’à l’œuvre appliqué du théologien, d’autre part jusqu’à la pratique du théurge.
De fait, il n’y a rien de si différent que la triade plotinienne. (Bien, Intelligence, Ame dont l’ensemble constitue le monde intelligible) et le fameux ternaire de Jamblique. On va voir d’ailleurs comment le second sort du premier : rappelons comment Plotin avait imaginé la production de l’hypostase inférieure par la supérieure ; de celle-ci part un rayonnement qui procède ; cette procession s’arrête, et la chose qui a procédé, se retournant par un mouvement de conversion, se fixe en contemplant son origine. Plotin avait ajouté, et en particulier à propos de la manière dont l’âme naît de l’intelligence, que le p.475 principe de l’Ame ne procède pas mais reste auprès de son origine. Le ternaire de Jamblique isole cette triple condition de toute production [680] ; toute production a pour principe un ternaire qui comprend ce qui reste (τὸ̀ μένον), ce qui procède (τὸ προίον), ce qui fait que, ce qui procède se convertit (τὸ ε̉πίστρεφον). Mais, ces conditions de production, Jamblique les réalise en formes fixes : chaque ternaire est comme un monde ou plutôt un système (diacosmos) qui comprend ce qui fait que ce système est un, ce qui fait qu’il est divers (procession), ce qui fait que, bien que divers, il reste unifié (conversion). De plus cette triple condition qui, chez Plotin, ne faisait que dessiner la forme générale de toute production devient, chez Jamblique, toute la réalité ; il n’y a que des systèmes ternaires ou diacosmes étagés les uns au-dessus des autres, chaque système inférieur étant comme une forme spécialisée du système supérieur. Ainsi le premier ternaire est composé d’un principe d’identité, l’unité, d’un principe de procession ou de distinction, la dyade, enfin d’un principe de conversion, la triade. Au-dessous un second ternaire composé de trois tétrades, considérées à trois points de vue différents ; la première comme carré de deux est une unité subsistante (2 2 ) ; la seconde comme produit de deux par la dyade (2 x 2) procède ; la troisième comme contenant implicitement la décade parfaite (1+2+3+4=10) se convertit. Au-dessous un troisième ternaire dont le premier terme est principe de ressemblance et participe à l’identité, un deuxième qui s’étend à travers toutes choses à la manière d’une âme, un troisième qui fait retourner les choses à leurs principes.
Cee principes transforment considérablement le néoplatonisme ; le ternaire de Jamblique ne s’ajoute pas à la triade de Plotin ; il le remplace ; le rythme du ternaire n’est plus celui de la triade ; dans la triade, Un, Intelligence, Ame, il y a un progrès continu vers toujours plus de division, plus d’expansion. p.476 Au contraire, dans le ternaire de Jamblique, on voit une unité qui s’épand, puis qui revient sur elle-même ; à la triade Un, Intelligence, Ame, Jamblique substitue la triade Être, Vie, Intelligence [681]. L’intelligence est postérieure à la vie et par conséquent à l’âme, comme on le voit effectivement dans le devenir visible, où la naissance est suivie du développement de la vie et celui-ci du développement de l’intelligence, où l’on voit le progrès en complexité de l’être à l’être vivant et du vivant à l’intelligent. L’intelligence correspond au moment de la conversion, c’est-à-dire qu’elle ne produit rien, mais qu’elle ordonne et organise ce qui a été produit.
V. — PROCLUS
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Ces traits vont se préciser chez Proclus de Byzance, un des derniers diadoques de l’Académie, qui se fait gloire, après son prédécesseur Plutarque, d’enseigner à Athènes où il voudrait, mais en vain, concentrer l’enseignement. D’une riche famille de magistrats judiciaires et destiné d’abord lui-même au barreau, il devient philosophe par
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