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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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ses condensations successives, au vent, au nuage, à l’eau et finalement à la terre et aux pierres. Dans ce dernier ordre de transmutations, il pense sans doute à des phénomènes très concrets et accessibles à l’observation : formation des vents dans l’air calme et invisible, puis formation des nuages qui se résolvent en pluies, ces pluies donnant naissance aux fleuves qui déposent des alluvions. Le procès inverse, celui de la raréfaction, est celui qui donne naissance au feu, c’est-à-dire sans doute à tous les météores ignés et aux astres [51].
    La physique des Milésiens est donc une physique de géographes et de météorologistes, mais leur vision d’ensemble de p.47 l’univers n’annonce en rien les progrès de l’astronomie que verra le siècle suivant ; la terre est pour Thalès et Anaximène un disque plat que l’un fait flotter sur l’eau et l’autre sur l’air ; c’est pour Anaximandre une colonne cylindrique dont le diamètre de base est égal au tiers de la hauteur et dont la partie supérieure, que nous habitons, est légèrement renflée ; elle se tient en équilibre, parce qu’elle est à égale distance des confins de l’univers. Anaximène revient même à une image mythique tout à fait ancienne, s’il est vrai qu’il croit que le soleil après son coucher ne passe pas sous la terre, mais contourne l’horizon où il est caché à la vue par de hautes montagnes, pour revenir à l’Orient. A peine pressent-on dans la détermination qu’Anaximène donne des distances des anneaux célestes à la terre quelque lueur de ce que sera l’astronomie mathématique [52].
    D’autre part, à cette physique, où n’interviennent que des images sensibles et familières, se superpose un mode d’explication d’un genre tout différent : la naissance et la destruction des mondes sont réglées selon un certain ordre de justice : « C’est dans les choses dont ils sont venus que les êtres se détruisent selon la nécessité ; ils se payent l’un à l’autre le châtiment et la punition de leur injustice, selon l’ordre du temps. » Ici émerge l’idée d’un ordre naturel de succession qui est en même temps un ordre de justice : image sociale d’un ordre du monde, très répandue dans les civilisations orientales, et qui jouera un rôle de premier plan dans la philosophie grecque. A cette notion de la justice se rattache sans doute le caractère divin que les Milésiens donnent au monde et à la substance primordiale qu’Anaximène appelle immortelle et impérissable [53].
     
    II. — COSMOGONIES MYTHIQUES
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    p.48 A cette sagesse ionienne aux images si claires s’opposent les efforts faits sans doute vers cette époque pour donner un regain de faveur aux anciennes cosmogonies mythiques. Onomacrite, qui vivait à Athènes auprès de Pisistrate (mort en 527) passe pour avoir rassemblé ces antiques légendes ; ce sont dans doute les débris de sa compilation ou des compilations de ce genre que nous trouvons dans nos plus anciens documents, qui ne remontent pas plus haut que Platon, Aristote et son disciple Eudème. Chacune de ces cosmogonies, comme chez Hésiode, présente une série de formes mythiques issues les unes des autres ; mais leur fantastique dépasse celui d’Hésiode ; nous avons affaire ici à une véritable décadence ; il ne s’agit plus d’introduire un ordre, mais de frapper les imaginations. Chez Platon on voit le Ciel et la Terre s’unir pour engendrer Océan et Thétys, d’où naît le couple de Chronos et de Rhéa, qui produit à son tour Zeus, Héra et leurs frères [54]. Chez Aristote, les théologiens prennent la nuit pour principe [55]. Nous connaissons par Eudème disciple d’Aristote [56], tout un lot de cosmogonies analogues : moins réservé que ses maîtres, il nous montre mieux la grossièreté d’imagination de ces théologiens ; c’est par exemple Hellanicos, selon qui le premier couple, l’Eau et la Terre, ont engendré Chronos ou Héraclès qui est un dragon ailé tricéphale avec un visage de dieu entre une tête de taureau et une tête de lion ; il s’unit à Anangké ou Adrastée pour engendrer dans Éther, Érèbe et Chaos un neuf d’où sortira le monde. De ces élucubrations, celle qu’Eudème attribue spécialement à l’association religieuse des orphiques (les rapsodies orphiques), et qui montre Chronos, être suprême, engendrant l’Éther et le p.49 Chaos d’où sortent l’œuf du

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