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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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mouvement rotatoire ; au plus loin de la terre, celles du soleil et de la lune, qui n’ont qu’un évent ; au plus bas, celle des étoiles fixes (sans doute la voie lactée) qui a un grand nombre d’évents [45].
    Des assimilations de ce genre permettent de formuler d’une manière nouvelle le problème cosmogonique ; la formation du ciel n’est pas foncièrement différente de celle d’un orage ; il s’agit de savoir comment le feu qui, primitivement, encerclait la terre, comme l’écorce fait l’arbre, s’est brisé et réparti à l’intérieur des trois anneaux circulaires. Or, la cause en jeu, pour Anaximandre, semble bien être celle qui est à l’origine des pluies, des orages et des vents. Ce sont les vapeurs qui, produites sur la mer, par l’évaporation, brisent cette sphère de feu et l’engainent en des anneaux [46].
    Le phénomène fondamental dans cette physique milésienne est bien l’évaporation de l’eau de la mer, sous l’influence de la chaleur. Or, les produits de cette évaporation (vapeurs, vents, nuages, etc.), sont considérés traditionnellement en Grèce comme ayant des propriétés vitales [47]. Anaximandre ne fait donc que suivre une opinion fort ancienne, lorsqu’il admet que les êtres p.45 vivants naissent dans l’humidité chaude évaporée par le soleil. Aussi insiste-t-il sur l’antériorité des formes de la vie marine, des poissons, des êtres enfermés dans une écorce épineuse, qui ont dû modifier leur genre de vie, lorsque, l’écorce éclatant, ils ont été placés sur terre [48].
    Ces vues d’Anaximandre nous permettent peut-être de préciser le sens des affirmations sur la substance primitive qu’Aristote considère comme le centre de leur doctrine. Ces affirmations semblent porter non sur la matière des êtres, mais sur la chose d’où est venu le monde. Thalès, en enseignant que c’est l’eau ne fait que reproduire un thème cosmogonique extrêmement répandu ; mais, d’après le développement de la pensée milésienne, il faut sans doute entendre par cette eau quelque chose comme l’étendue marine avec toute la vie qui s’en dégage. Il enseignait d’ailleurs que la terre est comme un disque plat porté sur l’eau primitive comme un navire sur la mer. Qu’est-ce qui conduisit Anaximandre à remplacer l’eau de Thalès par ce qu’il appelle l’Infini ? Sur le sens de cette expression on s’accorde fort peu. Est-ce une forme milésienne du mythe hésiodique du Chaos, antérieur aux dieux, à la terre et au ciel, comme la thèse de Thalès se référait à une ancienne cosmogonie ? L’Infini serait alors la chose qualitativement indéterminée d’où naissent les choses déterminées, feu, eau, etc., ou tout au moins le mélange où sont confondues toutes les choses qui se séparent ensuite pour former le monde. Il semble que l’Infini d’Anaximandre est bien plutôt l’illimité en grandeur, ce qui est sans bornes, par opposition au monde qui est contenu dans les bornes du ciel, puisque cet infini contient les mondes [49].
    Cette interprétation cadre avec la thèse de la pluralité des mondes, une des thèses d’Anaximandre qui sera reprise par p.46 Anaximène ; il admet, en effet, l’existence simultanée de plusieurs mondes qui naissent et périssent au sein de l’infini éternel et sans vieillesse. De cet infini les mondes naissent, nous est-il dit, par un « mouvement éternel », c’est-à-dire par un mouvement de génération incessamment reproduit qui a pour effet de séparer l’un de l’autre les contraires, le chaud et le froid ; ces contraires agissant l’un sur l’autre, produisent, on l’a vu, tous les phénomènes cosmiques [50].
    Anaximène en prenant l’air comme principe c’est-à-dire comme premier commencement, ne s’écarte pas d’Anaximandre. Le mot air ne fait que préciser la nature de l’Infini ; car son principe est un air infini (sans limite), d’où naissent toutes choses ; il est comme l’Infini d’Anaximandre, animé d’un mouvement éternel. Mais il semble qu’Anaximène n’ait pas cru que ce mouvement pouvait résoudre le problème de l’origine des choses ; un mouvement d’agitation comme celui qu’on imprime à un crible peut bien séparer des choses mélangées, mais non pas les produire. A ce mouvement éternel, Anaximène a donc superposé une autre explication de l’origine des choses ; l’air, par sa raréfaction, donne naissance au feu, et, par

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