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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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ouvrage en prose, que l’on a plus tard intitulé De la Nature, ne nous sont guère connus cependant que par ce qu’en ont dit Aristote et les écrivains de son école.
    Or ce qu’Aristote cherchait avant tout dans leur enseignement, c’était une réponse à cette question : quelle est la matière dont sont faites les choses ? Cette question, c’est Aristote qui la pose, et il la pose dans le langage de sa propre doctrine ; nous n’avons aucune preuve que les Milésiens eux-mêmes se soient préoccupés du problème dont on cherche chez eux la solution. Aussi si l’on nous apprend que, selon Thalès, l’eau est le principe de toutes choses, que, selon Anaximandre, c’est l’infini, et, selon Anaximène, l’air, il faut se garder de voir dans ces formules une réponse au problème de la matière [40].
    Pour en pénétrer le sens, il faut chercher, s’il est possible, quels problèmes ils agitaient effectivement. Ils sont, semble-t-il, de deux ordres : d’abord des problèmes de technique scientifique ; c’est ainsi qu’Anaximandre passe pour avoir inventé le gnomon et y avoir tracé les lignes des solstices et de l’équinoxe ; il aurait aussi dessiné la première carte géographique, et découvert l’obliquité du zodiaque. Mais ce sont avant tout des problèmes concernant la nature et la cause des météores ou phénomènes astronomiques, tremblements de terre, vents, pluies, éclairs, éclipses et aussi des questions générales de géographie sur la forme de la terre et les origines de la vie terrestre.
    De ces techniques scientifiques, nos Milésiens ne firent sans doute que propager en pays grec ce que les civilisations mésopotamienne et égyptienne leur transmettaient. Les Babyloniens étaient observateurs du ciel ; de plus, pour leur cadastre, ils p.43 dressaient des plans de villes et de canaux et ils tentèrent même de dessiner la carte du monde [41]. Quant aux arts mécaniques, ils présentent dans tous les pays helléniques, du VII e au V e siècle, un développement très riche et varié [42] dont les philosophes ioniens sont les témoins plus sans doute que les instigateurs : témoins très sympathiques, qui voyaient la supériorité de l’homme dans son activité technique et dont l’opinion a trouvé sans doute sa plus frappante expression chez un Ionien du V e siècle, Anaxagore ; selon lui, l’homme est le plus intelligent des animaux parce qu’il a des mains, la main étant l’outil par excellence et le modèle de tous les outils [43].
    L’originalité des Milésiens paraît avoir été le choix des images par lesquelles ils se représentaient le ciel et les météores ; ces images ne gardent rien du fantastique des mythes ; elles sont empruntées soit aux arts, soit à l’observation directe : il y a dans toutes les analogies qui constituent leur science, avec une extrême précision imaginative, qui n’admet, comme le mythe, aucun arrière-plan mystérieux, un grand désir de comprendre les phénomènes inaccessibles par leur rapport avec les faits les plus familiers.
    Une de ces observations courantes, c’était pour un Milésien, particulièrement préoccupé de navigation, celle des orages et des tempêtes ; on voyait se former, dans le calme, des nuées épaisses et noires, qui sont subitement déchirées par un éclair, annonciateur de la tourmente de vent qui va suivre. Anaximandre, cherchant à les expliquer, enseignait que le vent, enfermé dans le nuage, l’a rompu par sa violence et que l’éclair et le tonnerre accompagnent cette brusque rupture [44]. Or, c’est par analogie avec l’orage qu’il conçoit la nature et la formation des astres : il suffit, pour obtenir la conception p.44 qu’Anaximandre se faisait du ciel, de remplacer la gaine de nuages épais par une gaine opaque d’air condensé(l’« air » ne désignant pour lui autre chose que les vapeurs), le vent intérieur par du feu, les déchirures de la gaine par des sortes d’évents ou tuyaux de soufflet par lesquels le feu fait irruption. Si l’on suppose que ces gaines sont de forme circulaire et disposées autour de la terre comme les jantes des roues autour du moyeu d’un char, les astres ne seront pour nous que la partie du feu intérieur qui sort par ces évents : par la fermeture momentanée de ces évents s’expliqueront les éclipses et les phases de la lune. Anaximandre admettait qu’il y avait trois de ces gaines circulaires, animées d’un

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