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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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admet qu’il ne produit que la volonté, et si c’est l’homme lui-même qui la rend bonne, il s’ensuit que ce qui vient de nous, le bien, est supérieur à ce qui vient de Dieu. On sait avec quelle rigueur saint Augustin suit les conséquences de son attitude : tout bien ne peut venir à l’âme, corrompue par le péché p.527 originel, que d’une grâce spéciale ; le salut, qui dépend des mérites ainsi acquis, n’appartient qu’à ceux qui sont prédestinés par Dieu de toute éternité ; les enfants morts sans baptême sont justement damnés ; les gentils, n’ayant pas été touchés par la grâce du Christ, n’ont jamais atteint la vertu.
    Ce double conflit, avec la solution que lui donne saint Augustin, fait comprendre le milieu dans lequel va se dérouler la pensée occidentale : une Église désormais assurée de détenir tous les moyens de salut pour les hommes. L’œuvre du pape Grégoire le Grand sera la consolidation définitive du pouvoir spirituel de l’Église.
    Ces conflits touchent plutôt à la politique ecclésiastique (au sens le plus élevé du terme), qu’au dogme au sens oriental, c’est-à-dire à la structure métaphysique de la divinité. La pensée de saint Augustin, si ferme lorsqu’il s’agit de la vie religieuse de l’âme humaine, est indécise dès qu’il en vient au dogme proprement dit ; c’est ainsi que dans la controverse sur l’origine de l’âme (dont la solution paraît pourtant former un indispensable complément métaphysique à sa doctrine de la grâce), il hésite, sans conclure, entre le traducianisme qui fait dériver notre âme de celle de nos parents et le créationisme qui fait de chaque âme une créature ex nihilo  ; et il s’élève fort contre ceux qui croient que « l’homme peut discuter sur sa propre qualité ou nature tout entière, comme si rien de lui-même ne lui échappait » [747].
    Ajoutons que, depuis le moment où, avec Grégoire le Grand, ils se saisissent d’une manière incontestée du pouvoir jusqu’au XII e siècle, les papes ne donnent aucun impulsion propre à la spéculation théologique ; avant tout politiques et juristes, ils sont plus occupés d’affirmer et d’assurer tous les droits qu’ils veulent tirer de leur pouvoir spirituel sur les âmes que de prendre la tête du mouvement intellectuel.
     
    III. — LE Ve ET LE VIe SIÈCLE : BOÈCE
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    p.528 Pourtant la tradition philosophique peut appuyer utilement les vérités de la foi : telle est la conviction de Claudien Mamert, un moine provençal qui écrit vers 468 un De Statu Animae , où il réunit toutes les autorités philosophiques concernant la spiritualité de l’âme ; il s’appuie sur saint Paul pour montrer que les philosophes ne sont pas aussi ignorants de la vérité que leurs contempteurs les en accusent, et il prend à partie l’indolence intellectuelle de ses confrères. Il se plaint du mépris où est tombé Platon qui, pourtant, à une époque où Dieu n’avait pas encore révélé la vérité aux hommes, « tant de siècles avant l’Incarnation, a découvert le Dieu un, et trois personnes en lui » [748]. Par Claudien, le haut Moyen âge a pu connaître les vues du Phèdre , du Timée , du Phédon sur l’incorporéité de l’âme ; il y a trouvé aussi le modèle de cette érudition lamentable, faite de coupures mal raccordées, dernière héritière de ces doxographies, où l’antiquité finissante résumait son passé philosophique ; on y voit paraître, à côté des philosophes grecs (pythagoriciens et platoniciens), les philosophes romains (les Sextius et Varron), puis les barbares (Zoroastre, les Brachmanes, Anacharsis), sans oublier le stoïcien Chrysippe, assez bizarrement appelé comme garant de la spiritualité de l’âme.
    Par Boèce (Anicius Manlius Severinus Boetius) le « dernier des Romains » né en 480, consul en 510, appelé par Théodoric à de hautes fonctions et exécuté en 525 sur une accusation de magie, le haut Moyen âge eut, sur la philosophie antique, des notions plus limitées, mais plus substantielles. Boèce avait entrepris cet immense travail de traduire en latin les œuvres de Platon et d’Aristote et plusieurs de leurs commentateurs. Cette œuvre, qui ne fut pas reprise en grand avant le XIII e p.529 siècle, aurait peut-être rendu bien différentes, si elle avait abouti, les destinées de la philosophie médiévale. En réalité, son travail se borna à une partie des écrits

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