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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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jamais pu ni ne pourra jamais penser rien de meilleur que toi... et si tu n’étais incorruptible, je pourrais atteindre par la pensée quelque chose de meilleur que mon Dieu. Le mouvement de pensée est le même : on peut sûrement attribuer à Dieu ce qu’on ne peut en nier sans diminuer sa perfection. « Dieu et les choses qui sont de Dieu sont en tout le meilleur », avait déjà dit Platon [769]. Et c’était là le principe de toute spéculation rationnelle sur Dieu. Mais nulle part, on n’avait songé à faire de l’existence un attribut qu’on ne peut lui refuser en raison de sa grandeur et de l’immensité de sa perfection. Chez les philosophes, l’existence de Dieu était implicitement admise parce que, seule, elle pouvait en quelque sorte boucler leur image de l’univers : plus de mouvement éternel des cieux, sans le premier moteur d’Aristote : plus de rationalité parfaite des choses sans un logos qui pénètre l’univers chez les Stoïciens. Dans le christianisme, l’existence de Dieu est supposée par le drame qui doit aboutir au salut de l’homme, et elle est, comme toutes les autres, une vérité révélée. Or saint Anselme qui ne pense point à Dieu en fonction d’un ordre cosmique à qui il est indispensable et qui ne veut pas par hypothèse user de la révélation, n’a plus qu’une seule issue : c’est de prouver l’existence par la même méthode de méditation qui lui avait permis de le penser. Ce n’est pas, on l’a dit avec grande raison [770], une preuve ontologique qui va de l’essence à l’existence : car l’essence de Dieu nous est inconnue ; donc la preuve part non pas de l’essence de Dieu, mais de la notion de Dieu telle qu’elle est dans notre entendement, et telle qu’elle ne se découvre qu’à une méditation assidue ; c’est cette notion qui, si loin qu’elle soit de l’essence réelle, nous permet de conclure à l’existence de son objet.
    Toutes ces démarches impliquent qu’on affirme comme possible une méditation de ce genre, qui consiste à prendre une p.562 conscience de plus en plus claire d’une notion de Dieu, qui est dans notre entendement : affirmation qu’il faut prendre à la fin du XI e siècle comme d’une très grande hardiesse ; car c’était dire que l’on peut méditer sur Dieu, à part l’enseignement que donne l’Église. L’argumentation que Gaunilon, le prieur de Marmoutiers, oppose à la preuve de saint Anselme au nom de l’insensé, est toute fondée sur cette appréhension, et c’est en vérité toute la méthode théologique de saint Anselme qu’il attaque : « La réalité même, qui est Dieu, je ne la connais pas, je ne puis même la conjecturer de rien qui lui soit semblable, et d’ailleurs vous assurez vous-même qu’elle est telle que rien ne peut lui être semblable. » C’est le point de départ d’Anselme, l’ esse in intellectu de Dieu, que conteste Gaunilo : n’ayant aucune notion de Dieu, nous ne pouvons légitimement rien affirmer ni nier de lui. La conclusion implicite, c’est qu’il n’y a pas en théologie d’autre méthode que l’autorité et la révélation : c’est l’écroulement du rôle de l’intellectus, tel que la méthode d’Anselme l’avait fixé entre la foi et la vision des élus.
    De cette méthode, saint Anselme donne une nouvelle application dans le De Veritate  ; comme dans le Monologium , il y dépeint dans un cas particulier le mouvement qui nous porte de la multiplicité à l’unité. Il part ici de la multiplicité des vérités, qui sont vérités des énonciations, vérités des opinions, vérités de la volonté (c’est-à-dire l’intention droite), vérités des actions (ou actions droites), vérités des sens, vérités des essences. Cette énumération, à elle seule, montre comment le problème de la vérité apparaît à Anselme : le vrai n’appartient pas seulement au jugement ; il peut se dire aussi de la volonté, des sens et des essences. Le caractère commun de toutes ces vérités, c’est la conformité à une certaine règle ou la rectitude : une énonciation verbale est faite pour signifier ce qui est, et elle est vraie lorsqu’elle signifie effectivement ce qu’elle est faite pour signifier ; il en est de même d’une opinion ; la volonté sera vraie lorsqu’elle se dirigera dans le sens où elle p.563 le doit ; et de même les actions, les sens, pris en eux-mêmes, seront toujours vrais, parce que le sens

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