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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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conventionnelle ; tout corps, telle une maison, est indivisible : dire qu’elle est composée en réalité des fondations, des murailles et du toit, c’est considérer une de ses parties, le toit, par exemple, à la fois comme une partie d’un tout, et comme une chose distincte dans une énumération de trois choses [772].
    Roscelin paraît donc avoir eu le sentiment (et c’est là le sens du nominalisme) que toutes les distinctions faites par le dialecticien n’existaient que dans le langage et non dans les choses. D’autre part l’on sait qu’il a été condamné au concile de Soissons (1092) à abjurer son opinion sur la Trinité. Il avait, semble-t-il, tiré toutes les conséquences de l’opinion de Boèce d’après qui le mot personne désigne une substance raisonnable ; il y a dès lors en Dieu autant de substances que de personnes (trithéisme) ; le Père et le Fils, l’engendrant et l’engendré, sont deux réalités distinctes ; les trois personnes sont séparées comme le seraient trois anges, et s’il y a unité entre elles, ce n’est qu’une unité de volonté et de pouvoir. Entre cette opinion et le nominalisme, quel rapport y a-t-il ? Saint Anselme nous l’explique clairement, quand il parle de ces dialecticiens « dont l’esprit est si engagé dans les images corporelles qu’il ne peut s’en dégager ; si l’on ne peut comprendre comment plusieurs personnes sont spécifiquement un seul homme, comment comprendre comment plusieurs personnes sont un seul Dieu ? Si l’on ne peut distinguer entre un cheval et sa couleur, p.566 comment distinguer entre Dieu et ses multiples relations ? Si l’on ne peut distinguer l’homme individuel de la personne, comment comprendre que l’homme assumé par le Christ n’est pas une personne ? ». D’après ce texte décisif, le trithéisme n’était qu’une des erreurs de Roscelin : son nominalisme était un principe subversif de toute théologie, parce qu’il distinguait là où il ne fallait pas, et ne distinguait pas là où il fallait ; il voyait dans la Trinité trois substances individuelles distinctes ; en revanche (et c’est le second point visé par Anselme), il ne voulait point distinguer les attributs de Dieu (bonté, puissance, etc.) de sa substance, pas plus que (c’est le troisième point) il ne pouvait distinguer la personne divine incarnée en Jésus de son humanité. Il y a, chez ce clerc de Compiègne, un besoin de voir clair, qui ne se satisfait pas des résidus d’aristotélisme et de platonisme. C’est là, on l’a dit avec raison, « plus qu’une question d’école ; si les universaux sont des réalités, le théologien n’a pas seulement affaire aux formules mais aux choses mêmes » [773].
    Bibliographie

CHAPITRE III
    LE XIIe SIÈCLE
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    p.568 Le XII e siècle est un siècle de pensée ardente et variée, tumultueuse et confuse aussi : d’une part un besoin de systématisation et d’unité qui donne naissance à ces sortes d’encyclopédies théologiques que sont les livres des Sentences  ; d’autre part une grande curiosité d’esprit qui se traduit en certains milieux par un retour à l’humanisme antique et par une attention nouvelle aux sciences du quadrivium. Ajoutons que l’antiquité se dévoile peu à peu par des traductions d’auteurs jusque là inconnus et que les bibliothèques s’enrichissent.
    Il semble que l’on peut démêler quatre directions d’esprit principales, qui se manifestent en des milieux différents : les théologiens auteurs de Sentences qui rassemblent et unifient la tradition chrétienne ; les platoniciens de l’école de Chartres, qui sont de véritables humanistes ; les mystiques du cloître de Saint-Victor ; enfin un mouvement panthéiste et naturaliste qui ne va pas sans inquiéter le pouvoir spirituel. Mais il y a aussi les indépendants qui ne se laissent ranger en aucune catégorie, surtout Abélard, dont l’intelligence, complexe et sensible, reflète toutes les passions de son époque.
     
    I. — LES SENTENTIAIRES
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    Le XII e siècle est l’époque de ces grandes encyclopédies théologiques, où l’on essaye de « réunir en un seul corps » comme dit Yves de Chartres tout ce qui a trait à la vie chrétienne, p.569 discipline, foi et mœurs. Nulle préoccupation philosophique en tout cela : mais la nécessité pratique, pour que la chrétienté garde son unité spirituelle, de réunir tant de données éparses : canons,

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