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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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décrets et décrétales, opinions des Pères, règles de morale pratique et de vie religieuse : tout cela d’aspect souvent contradictoire et qu’il s’agissait pourtant d’unifier. Les besoins auxquels correspondent ces productions sont de même ordre que ceux auxquels correspondent nos codes, besoin pratique et juridique bien plus que philosophique. Le travail auquel on se livre est donc d’ordre philologique et critique ; Bernold de Constance indique, en chaque point, les autorités en apparence contradictoires, et, comme autrefois Vincent de Lérins, donne des règles pour les concilier ou choisir entre elles. Yves de Chartres (mort en 1116) donne, en son Decretum en dix-sept livres, un miroir ( speculum ) des doctrines de la foi et des règles des mœurs. De la même époque date le Speculum universale de Radulfus Ardens, qui est comme une histoire de l’homme chrétien, où l’on trouve, à côté de l’enseignement spécifiquement chrétien, tout ce qui pouvait rester de la morale humaniste de l’antiquité : avant la révélation du salut par le Christ (l. II), il explique les concepts moraux fondamentaux de bien et de vertu (l. I) ; avant d’exposer la foi et les sacrements (l. VII et VIII), il développe les pensées humaines sur la vertu et le vice (l. VI) ; avant de traiter des vertus théologales, il parle de vertus cardinales : juxtaposition des vérités chrétiennes et d’une morale humaniste qu’il essaye naïvement d’intégrer à la foi. trouve-t-il par exemple la classification antique des sciences (transmise par Isidore ou Bède) en théorique, éthique, logique, à quoi s’ajoute la mécanique, il s’empresse de remarquer pieusement que ces quatre sciences sont quatre moyens contre les quatre défauts issus du péché originel, ignorance, injustice, erreur, faiblesse corporelle.
    Cette codification du christianisme a donné lieu à une suite d’ouvrages que l’on peut suivre tout le long du XII e siècle : les p.570 Questions ou Sentences d’Anselme de Laon (mort en 1117) les Sentences de Guillaume de Champeaux (1070-1121), celles de Robert Pullus (mort en 1150), de Robert de Melun (mort en 1167, et surtout celles de Pierre le Lombard, le Maître des sentences (mort en 1164), qui bientôt, après sa mort, servaient déjà de textes d’explication à Pierre Comestor (mort en 1176) et à Pierre de Poitiers (mort en 1205) ; leur étude devait être au siècle suivant le fondement de tout enseignement théologique.
    Le Sic et non d’Abélard, qui fut un des maîtres du Lombard, appartient au même genre littéraire, puisque sur chacun des points de la foi chrétienne, il rassemble les opinions des Pères en les groupant en deux classes, celles qui disent le oui, et celles qui disent le non. Abélard ne voulait certes pas en tirer de conclusion sceptique, mais seulement « provoquer les lecteurs à s’exercer davantage à la recherche de la vérité et les rendre plus subtils par cette recherche [774] » ; et il commençait d’ailleurs par donner des règles pour concilier les opinions.
    Ces ouvrages supposent naturellement, on le voit, le travail rationnel sans lequel toute codification est impossible : pour le fond des choses, rien que l’autorité ; mais pour établir le sens et la valeur d’une autorité, discussion raisonnée ; sur chacun des paragraphes dont se composent les distinctions ou chapitres de son livre, Pierre Lombard oppose textes aux textes, le pro et le contra , et il choisit, non point par des citations, mais en discutant. Ainsi s’établit la méthode dite scolastique, méthode dialectique qui est faite pour juger ou éprouver les opinions, non point pour inventer : l’esprit subtil est non pas celui qui découvre une nouvelle vérité, mais celui qui saisit une concordance ou une contradiction entre des opinions ; seule méthode intellectuelle possible en un domaine où la vérité est considérée comme déjà donnée.
    p.571 Un autre point important, c’est la distribution des matières dans l’œuvre d’Abélard et du Lombard ; la substructure en est le récit du drame chrétien : on étudie successivement Dieu et la Trinité, la Création, les Anges, l’homme et le péché originel, l’Incarnation et la Rédemption, les sacrements et l’eschatologie. Il y a là comme un schème de l’univers qui s’est peu à peu imposé, qui va maintenant dominer et que nous retrouverons chez bien des philosophes, longtemps après le

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