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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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affirme sur l’autel la présence du pain et celle du corps du Christ. « Quant à l’apparence et la forme des éléments, c’est du pain et du vin ; quant à la substance en laquelle se sont changés le pain et le vin, c’est vraiment et proprement le corps du Christ [764] ».
    De la même manière enfin, Lanfranc, abbé du Bec, tout en reprochant à Bérenger « d’avoir abandonné les autorités sacrées et recouru à la seule dialectique », tout en déclarant qu’il préférerait trancher le débat par la seule autorité et que « en traitant des choses divines, il ne désire ni proposer des questions dialectiques ni répondre à de pareilles questions », n’en veut pas moins lui montrer les fautes qu’il a commises contre les « règles p.555 de la discussion ». Et bien qu’il le blâme de « mettre la nature avant la puissance divine, comme si Dieu ne pouvait changer la nature de n’importe quoi [765] », il n’en est pas moins vrai qu’il ne peut admettre qu’il y ait, dans le dogme, rien qui contredise la dialectique. Ainsi, tandis qu’on règle la question par la réunion de synodes qui disent la foi (synodes de Rome et de Verceil, en 1050, qui condamnent Béranger ; synodes de Rome de 1059 et de 1079, ou il est contraint à l’abjuration), on n’en cherche pas moins à penser effectivement le dogme selon les règles de la raison commune.
     
    III. — CRITIQUE DE LA PHILOSOPHIE
    A LA FIN DU XIe SIÈCLE
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    Avec la réforme des ordres monastiques et le mouvement vers l’ascétisme qui caractérisent la fin du XI e siècle (la foi vive aboutit à la croisade de 1095), on sentit le besoin de limiter d’une manière plus précise le rôle de ces disciplines profanes. Pierre Damien (1007-1072), cardinal archevêque d’Ostie en 1057, qui s’efforça toujours de fuir les honneurs dans la solitude d’un ermitage, est un de ces réformateurs qui proclament la totale incompétence de la dialectique en matière de foi. Il déclare « que la dialectique ne doit pas se saisir arrogamment du droit du maître, mais qu’elle doit être comme la servante d’une maîtresse ( ancilla dominae ). » A quelle occasion cette condamnation ? Il s’agit du fameux argument dialectique (dont les Mégariques sont les auteurs), qui démontrait le destin et l’impossibilité des futurs contingents au moyen du principe de contradiction : ainsi l’on voyait la toute-puissance et la liberté en Dieu, le fondement même de la foi, supprimées par une règle de logique. Pierre Damien rappelle avec un bon sens parfait, que ces règles ont été inventées pour servir aux p.556 syllogismes, et qu’ « elles ne se rapportent pas à l’essence et à la matière de la réalité, mais à l’ordre dans la discussion » [766]. C’était revenir, par un sûr instinct, à la doctrine d’Aristote, qui avait déclaré prémisses et définitions indémontrables (p. 183) ; tant qu’on n’avait pas d’autre méthode de penser que la syllogistique, il était bon de la réduire au rang d’un simple organon et de ne pas vouloir en faire l’instrument de la connaissance du réel.
    Seulement, à côté de la dialectique, qu’il était relativement aisé de réduire à son rôle d’organon, les livres profanes et en particulier le Commentaire du Songe de Scipion de Macrobe faisaient connaître des doctrines sur Dieu et sur le monde, qui étaient directement opposées à la doctrine chrétienne : on y lisait les spéculations de Pythagore sur la transmigration des âmes, de Platon sur la fabrication de l’âme du monde, sans compter la discussion entre Platoniciens et Aristotéliciens, d’où il ressortait que l’immortalité de l’âme impliquait sa divinité. On y voyait affirmer qu’il y avait sur la terre des régions habitées et inaccessibles, d’où il fallait conclure que Jésus n’avait pas sauvé tous les hommes. Il y avait là tout autre chose que de la dialectique, une conception du monde où le salut par le Christ ne jouait aucun rôle ; c’est contre ces adversaires que se tourna Manegold de Lautenbach (mort en 1103 dans un monastère d’Alsace) ; contre les lecteurs trop assidus de ces philosophes dangereux, il déclare qu’ils sont sous l’inspiration diabolique [767].
    En théorie, rien de plus facile qu’un pareil départ : en pratique rien de plus difficile. La théologie employait des mots tels que substantia , dont elle était bien forcée d’aller demander la

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