Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
résoudre. Elles sont posées comme questions avant le syllogisme qui doit permettre une réponse. Le syllogisme naît souvent de longues recherches antérieures : une fois posée la question si tel attribut appartient ou non à un sujet, il faut trouver le moyen qui la résoudra ; et c ’ est pourquoi il faut faire deux listes, l ’ une de tous les sujets possibles du majeur, et l ’ autre de tous les attributs possibles du mineur (sans remonter, toutefois, dans les attributs indiquant la quiddité, au delà du genre prochain) ; c ’ est dans la partie commune de ces deux listes que l ’ on trouvera nécessairement le moyen [248] .
p.182 Cette recherche tâtonnante du moyen fait un contraste complet avec le mécanisme rigide du syllogisme une fois trouvé. Ce contraste apparaît jusqu ’ à l ’ évidence, lorsque Aristote montre comment on peut déduire le vrai du faux ; la vérité de la conclusion n ’ est en aucune manière une garantie de celle des prémisses. Il y montre encore un cas où la déduction est illusoire, malgré la parfaite correction des syllogismes ; c ’ est celui de la preuve circulaire où l ’ on se sert comme prémisse de la conclusion d ’ un syllogisme qui avait lui-même comme prémisse la conclusion que l ’ on veut actuellement prouver [249] . La question est donc maintenant de savoir comment se justifient les prémisses ; l ’ art syllogistique permet bien d ’ enchaîner nécessairement la conclusion aux prémisses ; il ne donne aucun moyen de poser des prémisses, dans le cas où ces prémisses ne sont pas elles-mêmes des conclusions de syllogismes précédents.
C ’ est ici que trouve place la distinction entre les trois arts qui manient tous trois le syllogisme : l ’ apodictique ou art de la démonstration, la dialectique et la rhétorique. C ’ est à l ’ apodictique que sont consacrés les Seconds Analytiques.
Le syllogisme qui donne la science ou la démonstration n ’ est pas seulement celui dont la conclusion découle nécessairement des prémisses (ce qui est un caractère commun à tous les syllogismes), mais celui dont la conclusion est nécessaire. Or la conclusion ne peut être nécessaire que si les prémisses sont elles-mêmes nécessaires ; c ’ est une règle des syllogismes modaux que, si le moyen appartient nécessairement au majeur, et le mineur nécessairement au moyen, le mineur appartient nécessairement au majeur. Le syllogisme scientifique ou démonstration est donc caractérisé par la nature de ses prémisses. Elles doivent être vraies ; elles doivent être premières et immédiates et par conséquent indémontrables ; car s ’ il fallait les démontrer elles-mêmes et ainsi à l ’ infini, la science serait à tout jamais p.183 impossible ; elles doivent contenir la cause de la conclusion ; enfin elles doivent être logiquement antérieures à la conclusion et plus faciles à connaître qu ’ elle (I, 1, 2 et 6).
Que sont ces indémontrables ? Il y a d ’ abord les axiomes communs tels que :« Il est impossible qu ’ un attribut appartienne et n ’ appartienne pas à un même sujet en même temps et sous le même rapport » . Mais de pareils axiomes sont les conditions universelles ou principes communs de toute science, et ne contiennent la cause de rien en particulier. Les propositions indémontrables qui contiennent la cause, ce sont celles qui enseignent ce qu ’ est l ’ être dont on veut démontrer un attribut, c ’ est-à-dire les définitions , qui sont les « principes propres » de la démonstration [250] . Le moyen doit être emprunté à la quiddité de la chose ; il y a une sorte de parité entre le moyen, l ’ essence ou quiddité, la raison et la cause ; ainsi les astronomes ont découvert que l ’ essence de l ’ éclipse de lune était l ’ interposition de la terre entre elle et le soleil ; cette interposition est le moyen terme par où l ’ on démontrera que la lune s ’ éclipse ; si tout corps séparé ainsi de sa source lumineuse s ’ éclipse, et si la lune en est ainsi séparé, il s ’ ensuit qu ’ elle s ’ éclipse. C ’ est toujours parce que le moyen fait partie de l ’ essence du majeur, et parce qu ’ il est affirmé du mineur, que le majeur peut, lui aussi, s ’ affirmer du mineur. C ’ est parce qu ’ un angle droit est fait de la moitié de deux droits et que l ’ angle inscrit dans un demi-cercle est la moitié de
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