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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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immuable, donc un moteur indivisible, puisqu’un moteur divisible épuiserait nécessairement son action au bout d’un temps fini [315] : De quelle manière Aristote, partant de ces caractères purement formels du moteur des cieux, éternel et indivisible, en a-t-il dérivé l’idée que ce moteur était une intelligence toujours en acte, contemplant sans fin son objet, un vivant éternel et parfait, en d’autres termes, était Dieu [316] ? L’idée intermédiaire est celle d’être en acte ; le moteur des cieux est toujours en acte ; or, un être pleinement en acte, où il ne reste aucune trace de potentialité, de développement possible, de matière, de privation, ne peut être qu’une pensée (νόησις) ; Aristote imagine cet acte pur d’après l’état qui est en nous le plus divin et le plus agréable, c’est-à-dire la contemplation du savant qui, ayant atteint la vérité, en a une connaissance immobile et définitive ; si nous supposons permanent et total et dégagé de la vie corporelle cet état qui, chez l’homme, est passager, partiel et lié au corps, nous nous représentons l’acte pur, l’acte de l’intelligence, qui est la vie p.222 éternelle et parfaite de Dieu, qui est Dieu lui-même. Il n’y a donc en Dieu aucune trace des opérations intellectuelles qui, dans l’âme humaine, supposent un changement, telles que la sensation, l’image, la réflexion qui cherche, la pensée discursive, pas plus que des fonctions végétatives qui se rapportent à la vie du corps ; Dieu n’est pas une âme, un principe vital, mais une pensée intellectuelle :
    Mais une intelligence ne contient-elle pas toujours de la puissance ? Par exemple notre intelligence humaine n’est qu’une simple faculté de penser ; pour être en acte, elle doit subir l’influence de l’intelligible, à peu près comme la sensation qui ne peut être actuelle que sous l’action d’une chose sensible. A Dieu ; s’il est intelligence, serait donc supérieur l’intelligible grâce à quoi il pense. Grave question, puisque nous voyons renaître du coup, au-dessus de moteur des cieux, tout le monde intelligible de Platon, que contemple le demiurge comme un modèle au-dessus de lui ; nous voyons compromise l’éternelle actualité du moteur des cieux, s’il peut cesser de penser. Aristote l’a résolue ainsi : puisque Dieu est l’être supérieur, il s’ensuit qu’il n’a pas d’autre intelligible que lui-même ; « il se pense lui-même ; il est la pensée de la pensée [317] » ; c’est ainsi seulement qu’il peut se suffire à lui-même. Est-ce là une solution purement verbale ? Aristote sait fort bien que, même chez l’homme, tout savoir, quel qu’il soit, sensation, pensée ou réflexion, est accompagné de la connaissance de lui-même ; on ne peut savoir, sans savoir qu’on sait ; mais l’objet principal du savoir n’est pas cette connaissance de soi ; il est un intelligible ou un sensible, distinct de l’intelligence et de la sensation. Ce qui en l’homme est l’accessoire devient en Dieu le principal ou plutôt l’unique ; il n’a plus à quêter en dehors de lui les objets de sa pensée, et c’est ainsi seulement que cette pensée peut être achevée et indéfectiblement parfaite. C’est vers cet état d’indépendance p.223 que tendent, chez nous, les sciences les plus élevées ; en effet, dans les sciences théoriques telles que les mathématiques, l’objet est identique à la pensée que l’on en a [318] ; la pensée épuise tout ce qu’il y a dans l’objet ; elle ne lui est point postérieure, ni davantage antérieure ; elle lui est identique.
    La théologie d’Aristote est au sommet de la métaphysique et de la physique. Elle résout à la fois la question du moteur des cieux et celle de la substance : celle du moteur des cieux ; car la parfaite uniformité de leurs mouvements s’explique par l’immutabilité divine ; de plus, il est naturel que l’intelligence soit motrice, c’est-à-dire que les choses mobiles tendent à imiter, autant qu’il leur est possible, cette immutabilité ; Dieu meut le ciel comme l’aimé meut son amant [319]. La condition de ce mouvement uniforme, c’est l’inaltérable quintessence ou éther capable du seul mouvement circulaire ; elle a sa raison d’être en ce mouvement qui est la fin pour laquelle elle existe. Aussi Dieu n’est pas le démiurge du monde, il ne connaît même pas le monde ; il

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