Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
hiérarchie, dont chaque terme est la cause finale qui ordonne le terme inférieur, le mouvement du ciel s’efforçant par sa circularité et son uniformité d’imiter l’immutabilité divine, de même que, au-dessous de la lune, le cercle sans fin et retournant toujours sur lui-même des générations et des corruptions imite autant que le permet la matière, le mouvement du ciel. « Tous les êtres naturels ont ainsi quelque chose de divin [323]. » La théologie est la garantie qu’il y a non seulement des causes finales partielles travaillant chacune dans une sphère limitée, p.226 mais une cause finale universelle qui en règle l’action ; « l’homme engendre l’homme, mais le soleil aussi ».
X. — LE MONDE
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L’univers entier est donc l’ensemble des conditions auxquelles le mouvement des cieux peut exister. En effet, s’il doit y avoir un mouvement circulaire, il faut qu’il y ait par opposition en son centre un corps qui reste immobile ; c’est la terre : le géocentrisme et l’immobilité de la terre sont donc démontrés. De plus, s’il y a de la terre, c’est-à-dire un corps pesant qui, déplacé du centre, tend à y retourner, il faut, par une nécessaire opposition, qu’il y ait du feu, c’est-à-dire un corps léger qui tend vers le haut ; car si un contraire existe, son contraire ne peut pas ne pas exister. Si l’on considère non plus l’affinité de l’élément avec son lieu propre, mais les qualités essentielles par où il manifeste son activité et sa passivité, l’on verra que de la même règle découle l’existence des éléments intermédiaires, eau et air ; car à la terre dont les attributs sont froid et sec, on voit que s’oppose non seulement le feu dont les attributs sont chaud et sec, mais l’eau dont les attributs sont froid et humide ; au feu, chaud et sec, s’oppose non seulement la terre, mais l’air qui est chaud et humide [324]. Ainsi se déduisent les quatre éléments. On voit qu’Aristote, suivant une conception courante chez les médecins et les physiciens, reconnaît quatre propriétés actives fondamentales opposées deux à deux : le chaud et le froid, le sec et l’humide ; si l’on combine deux à deux en un même sujet ces quatre attributs, en excluant les combinaisons qui uniraient les opposés, il reste quatre combinaisons possibles, sec-froid, froid-humide, humide-chaud, chaud-sec ; chacune de ces combinaisons caractérise un élément, la terre, l’eau, l’air, le p.227 feu ; il est aisé de voir que l’on passe de chacun au suivant et que l’on revient du quatrième au premier en substituant à une propriété du couple l’opposé de cette propriété ; ainsi on passe de la terre à l’eau, en substituant l’humide au sec, dans le couple que forme la terre. Il y a donc possibilité d’un passage continu d’un élément à un autre, dans un ordre déterminé, la terre pouvant se changer en eau, l’eau en air, l’air en feu ; chaque fois la corruption d’un élément est la génération du voisin ; de plus ce devenir est circulaire, puisque le quatrième élément peut, de la même manière, redonner naissance au premier (l’ordre pouvant d’ailleurs être inverse de celui que l’on a choisi) ; de cette manière ce devenir peut être sans fin. Cet incessant mouvement de transmutation circulaire n’est pas seulement possible ; il est réel ; si en effet les éléments ne se changeaient pas l’un dans l’autre, comme ils ont des mouvements limités vers le bas et le haut, chacun s’arrêterait en son lieu propre et le mouvement cesserait dans la région sublunaire : le cercle des transmutations imite à sa manière le mouvement circulaire des cieux. D’autre part, pour que ce cercle soit possible, il faut qu’il y ait dans le ciel plus d’un mouvement de translation circulaire ; car un seul mouvement, celui des étoiles fixes par exemple, laisserait les éléments dans le même rapport ; il faut donc qu’il y ait plusieurs sphères concentriques douées chacune d’un mouvement propre et dont l’axe est incliné sur celui du ciel des fixes ; grâce à l’inclinaison de l’écliptique se produisent ces effets variables que nous appelons les saisons, dont chacune est caractérisée par la prépondérance d’une des propriétés fondamentales des éléments, le chaud ou le froid, I e sec ou l’humide, qui, selon la place relative du soleil, remporte temporairement la victoire sur
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