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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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possible l’être vivant [329].
    Mais la vie n’est pas le produit de ces combinaisons et de ces mélanges ; le corps organisé a seulement la vie en puissance ; il ne sera vivant en acte, c’est-à-dire il ne pourra exercer effectivement les fonctions d’un corps vivant, la nutrition, le développement jusqu’à l’état adulte, la corruption, que lorsqu’il aura reçu cette forme substantielle, qui s’appelle l’âme. L’âme est « l’entéléchie première d’un corps naturel qui a la vie en puissance [330] », c’est-à-dire qui est doué d’organes propres à accomplir les fonctions vitales. Elle est donc liée à ce corps à la manière dont le tranchant du fer est lié à la hache ; elle est la condition immédiate de l’activité du corps, à peu près de la même manière que la science que possède le savant est la condition immédiate à laquelle il contemple la vérité ; de même que le savant ne la contemple pas toujours, de même l’âme n’agit pas toujours et a sa période de sommeil mais elle est toujours immédiatement apte à agir..
    L’âme est donc avant tout chez Aristote principe de l’activité vitale, moteur immobile de cette activité. La psychologie est l’introduction à l’étude des êtres vivants, comme la théologie est l’introduction à l’étude de l’univers ; elle n’a plus d’objet propre et séparé comme dans la tradition de Pythagore et de Platon ; l’âme n’est plus la voyageuse qui va de corps en corps accomplir sa destinée à elle ; elle est liée au corps comme la vue est liée à l’œil [331]. Rien ne reste du mythe platonicien, qu’Aristote semble avoir accepté dans ses premiers écrits ; le problème p.231 de la morale est aussi indépendant de la psychologie qu’il l’est de la théologie ; âme et corps naissent et disparaissent ensemble.
    Il s’ensuit aussi qu’il n’y a pas, comme l’a cru Platon, d’étude de l’âme en général ; le philosophe étudie l’âme à la manière dont le géomètre étudie les figures : le géomètre n’étudie pas la figure en général, qui ne désigne aucune essence, mais le triangle, le polygone, etc., et ainsi une série de figures, de la plus simple à la plus composée, dont chacune implique les précédentes, mais non les suivantes. De même, le philosophe étudie la série des fonctions ou facultés ou puissances de l’âme dont chacune implique les précédentes mais non les suivantes : fonction nutritive, sensitive, pensante et motrice. Qui possède par exemple la fonction sensitive possède la nutritive ; mais l’inverse n’est pas vrai, et la plante par exemple a seulement la capacité de se nourrir. Ces fonctions ne constituent pas, pour qui en possède plusieurs, autant d’âmes différentes ; elles diffèrent logiquement, puisqu’elles aboutissent à un acte différent, mais non pas localement ni par leur substance ; chaque vivant a une âme unique ( De l’Ame, II , 2) .
    La théorie des fonctions de l’âme est née très évidemment de la classification des êtres vivants en végétaux, animaux sans raison et animaux raisonnables. Mais cette classification tranchée ne doit pas faire oublier qu’Aristote est essentiellement continuiste et qu’il voit dans la vie supérieure non une pure et simple addition, mais bien la réalisation de quelque chose qui était ébauché dans la vie inférieure. « Chez la plupart des autres animaux, il y a des traces des caractères qui se distinguent avec le plus d’évidence chez les hommes : sociabilité et sauvagerie, douceur et dureté, courage et lâcheté, timidité et assurance. Il y a même chez beaucoup des images de l’intelligence réfléchie. C’est par le plus et le moins que ces animaux diffèrent de l’homme, et que l’homme diffère de beaucoup d’entre eux. La nature passe peu à peu des êtres inanimés aux animaux, à tel point que la continuité fait que les limites nous échappent et que nous ne savons p.232 à qui des deux appartiennent les intermédiaires ; à propos de certains êtres marins, on peut demander s’ils sont animaux ou plantes [332] ». Ce n’est pas qu’Aristote ait la moindre tendance à favoriser un évolutionnisme comme celui d’Empédocle ; tout au contraire c’est pour lui une règle absolue (qu’il transporte du domaine de la vie à la nature entière) qu’on ne peut pas passer d’un genre à un autre, et que le semblable produit toujours son

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