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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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souvenir cherché ; ce qu’on a appelé plus tard association des idées est ainsi présenté comme un moyen du souvenir [343].
    A l’autre pôle de la connaissance est l’intelligence dont l’acte est la pensée individuelle d’essences intelligibles elles-mêmes indivisibles. Comparable par sa certitude à la sensation des sensibles propres, elle en diffère pourtant beaucoup ; entre l’intelligible et l’intelligence, il y a bien en effet un rapport analogue à celui qui est entre le sensible et le sentant : l’intelligence est bien comme la tablette vide qui contient en puissance tous les intelligibles, et qui ne passe à l’acte que si elle en subit l’action [344] ; mais, tandis que l’organe sentant est détruit par un sensible trop intense, comme par une lumière éblouissante, l’intelligence pense au contraire d’autant plus que la clarté de l’intelligible est plus grande [345]. De plus, tandis que dans l’acte commun de la sensation, le sentant reste toujours distinct du sensible, dans l’acte intellectuel de contemplation, l’intelligence est complètement identifiée à l’intelligible, et l’on ne saurait trouver en elle, quand p.237 elle pense, autre chose que son objet : elle est donc elle-même intelligible [346]. Enfin, tandis que la sensation se répartit en organes dont chacun n’est capable d’appréhender qu’une espèce particulière de sensibles, l’intelligence est capable de recevoir tous les intelligibles sans exception. Ces trois traits distinctifs reviennent à une raison unique : c’est que l’intelligence perçoit les formes ou essences sans matière et dégagées de toutes les particularités qui les accompagnent dans le sensible ; par exemple, elle pense non pas le camus, qui est la courbe d’un nez, mais le courbe en lui-même ; par l’abstraction, elle fait passer à l’acte les intelligibles qui n’étaient qu’en puissance dans les sensibles ; or la science des choses sans matière est nécessairement identique à ces choses ; il n’y a rien dans une notion géométrique ou arithmétique que ce que nous y pensons [347].
    Pourtant notre intelligence n’est qu’une faculté de penser ; elle est tous les intelligibles ; mais elle ne les est qu’en puissance ; elle ne pense pas toujours ; comment peut-elle passer à l’acte ? Il est clair que ce n’est pas sous l’influence des images sensibles, images sans doute indispensables à son opération d’abstraction (on ne pense pas sans images), mais d’où ne sauraient naître spontanément les intelligibles en acte, puisqu’elles les contiennent seulement en puissance. Conformément à la règle générale d’après laquelle un être ne peut passer de la puissance à l’acte que sous l’influence d’un être déjà en acte, Aristote est donc conduit à admettre au-dessus de notre intelligence qui ne pense pas toujours, une intelligence éternellement en acte, intelligence impassible, puisqu’elle est une pensée fixe et indéfectible qui ne subit nul changement, productrice de toutes les autres pensées, à la manière de la lumière qui fait passer à l’acte les couleurs. Quelle est exactement la place de cette intelligence ? Est-elle, comme l’intelligence passive ou en puissance, une partie de l’âme humaine ? Il ne le semble pas, puisque p.238 Aristote la déclare incorruptible et éternelle, tandis que l’intelligence passive est périssable. Si elle est une substance séparée de l’âme humaine, n’est-elle pas identique au moteur des sphères, à Dieu, qui est pensée éternellement actuelle ? Il le semble d’autant plus que l’intelligence qui est en nous est la part la plus divine de notre être, dont l’activité nous met au-dessus de la nature humaine et nous fait partager la vie des dieux. Mais sur ce point, Aristote ne s’exprime pas formellement et laisse ses interprètes dans un embarras dont on verra plus tard les conséquences ( De l’Ame, III , 5 ) .
    Ce qui reste sûr, c’est la place particulière qu’il a donnée à l’intelligence dans l’âme humaine. Si elle perçoit les choses sans matière, c’est qu’elle est elle-même sans matière : c’est dire qu’elle n’a besoin d’aucun organe corporel ; si la définition générique de l’âme, entéléchie d’un corps organisé, lui convient encore, ce n’est pas tout à fait dans le même sens qu’elle convient à la faculté nutritive ou sensitive : car nous voyons

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