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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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conditions auxquelles cette fin peut être atteinte ; mais cet examen consiste moins dans des constructions théoriques que dans l’usage d’observations et d’expériences qu’Aristote multiplie et étend par des recherches historiques approfondies sur les constitutions des villes ; les sophistes avaient déjà fait des répertoires des lois des cités [361] ; en cela, Aristote continue leur travail et écrit lui-même ou fait écrire l’histoire des constitutions différentes. Mais cette histoire n’est faite que pour préparer une appréciation. La méthode ici est la même qu’en biologie : les faits d’expérience viennent se grouper en faisceaux selon certaines directions.
    La fin qu’il assigne à la cité est d’ailleurs aussi en une certaine mesure le résultat de son expérience et de sa formation politiques. Il voit, dans l’indépendance économique d’une puissance agrarienne, telle que Lacédémone, la condition de sa vitalité morale. L’indépendance d’une cité est fondée sur l’exclusion des rapports économiques avec l’étranger ; dès qu’un pays cherche, comme l’a fait Athènes au Ve siècle, ses ressources dans son commerce avec l’étranger, elle dépend des pays qui produisent le blé et de ceux qui achètent ses produits ; d’où avec le grand commerce, la nécessité du prêt à intérêt et des banques [362]. Toute cette civilisation nouvelle qui amène avec elle des guerres, Aristote la condamne ; il voudrait le retour à l’économie naturelle. L’unité économique, c’est la famille ; elle a tout ce qu’il faut pour produire ce qui est nécessaire à la consommation de ses membres ; elle n’échange que le surplus de cette p.252 consommation. Il n’y a donc aucun travailleur libre et salarié ; l’organisation de l’esclavage avec le pouvoir absolu du maître (δεσπότης) sur l’esclave est une condition de cette organisation économique ; l’esclave est l’outil vivant qui n’a d’autre volonté que celle de son maître et qui ne participe pas à la vertu morale ; il deviendra inutile « lorsque les navettes marcheront toutes seules ( I, 2 ) ». Cette division de l’humanité en maîtres et esclaves n’est ni arbitraire ni violente : la nature, obéissant à la finalité, crée, dans les climats chauds de l’Asie, des hommes d’esprit ingénieux et subtil mais sans énergie et qui sont faits pour être esclaves ; seul le climat tempéré de la Grèce peut produire des hommes à la fois intelligents et énergiques, qui sont libres par nature, non par convention. Dans cette théorie qui cadre si bien avec le finalisme d’Aristote, on sent aussi un écho de la lutte séculaire entre la Grèce et les Barbares, et peut-être un essai pour justifier la gigantesque entreprise de domination universelle de la Grèce, alors tentée par Alexandre [363].
    La famille a plus qu’une fin économique ; elle permet la direction par le chef de famille de ces âmes imparfaites que sont celles des femmes et des enfants ; âmes imparfaites, mais non pas âmes d’esclaves ; aussi ne s’agit-il plus ici de pouvoir absolu ; le mari commande à la femme comme un magistrat à ses administrés, le père aux enfants comme un roi à ses sujets ( I, 5 ).
    La famille contient ainsi toutes les conditions nécessaires pour que la cité ne puisse se composer que de libres et d’égaux. Il faut en effet retrancher du nombre des citoyens tous ceux qui exercent les fonctions de production, laboureurs ou artisans ; ce sont là métiers sans noblesse et qui suppriment « le loisir nécessaire pour pratiquer la vertu et s’occuper de politique » ; il faut y employer des gens d’une autre race qui ne songent qu’à leur travail et non aux révolutions. La cité proprement dite a avant tout des fonctions militaires et judiciaires, fonctions p.253 qui appartiennent aux mêmes hommes à des âges différents ; il faut y ajouter les fonctions sacerdotales (VII, 7).
    La diversité des constitutions ( IV, 4 et 5 ) vient des mille manières dont ces fonctions, toujours les mêmes, peuvent être réparties entre les citoyens. Il y a démocratie lorsque les hommes libres et sans ressource qui forment la majorité sont à la tête des affaires ; c’est la liberté et l’égalité qui la caractérisent ; encore faut-il distinguer la démocratie où c’est la loi qui commande et celle où c’est la foule avec ses votes changeants. L’oligarchie est

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