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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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irrationnelle de l’âme reste p.247 comme un élément irréductible que la raison peut gouverner, mais non absorber ; les vertus éthiques, courage ou justice, sont en nous presque de naissance ; les vertus dianoétiques, comme la prudence, ne s’acquièrent que par une longue expérience. Impossible aussi de confondre les vertus dianoétiques avec la science ou la sagesse ; ces qualités sont la prudence (φρόνησις), qui consiste à bien délibérer, c’est-à-dire à viser, en réfléchissant, le meilleur moyen possible d’atteindre une fin et à prescrire ce moyen, la pénétration (σύνεσις), qui consiste à savoir juger correctement les autres dans les choix qu’ils font, le bon sens, faculté de juger correctement ce qui convient. Or, tandis que la science ne porte que sur l’universel et le nécessaire, toute la réflexion pratique, on l’a vu, n’a affaire qu’à des circonstances particulières et contingentes ; connaissance complexe des moyens divers d’atteindre nos fins, elle ne saurait aboutir à des vérités universelles (livre VI).
    Cette même tendance à séparer ce qu’unissait la pensée d’un Socrate et d’un Platon se retrouve dans la doctrine de la justice (livre V). Chez Platon, la justice est le soutien de l’unité des vertus ; chez Aristote, elle devient une vertu à part. Non qu’il abandonne entièrement l’idée que la justice est la vertu tout entière ; en effet le juste, c’est ce qui est prescrit par la loi, et la loi, surtout telle que l’a conçue Platon, contient un très grand nombre de prescriptions morales, faites pour encourager la vertu ; elle commande la tempérance, le courage, la douceur ; mais il convient d’ajouter que si la législation prescrit les actes vertueux, elle vise non la perfection de l’individu, mais celle de la société ; ainsi donc, sous cette forme très générale, la justice ne contient qu’un aspect de la vie morale, celui de nos rapports avec autrui (V, 1). Mais elle a une seconde forme bien plus spéciale, et qui, elle-même, se subdivise ; c’est la vertu qui préside à la distribution des honneurs ou des richesses entre les citoyens : c’est celle qui fait respecter les contrats de toute sorte, comme la vente, l’achat, le prêt ; c’est enfin p.248 celle qui défend les actes d’arbitraire et de violence. C’est dire qu’Aristote considère comme ayant une place distincte et irréductible le droit sous les trois formes qu’il trouve en usage : répartition des biens communs entre les citoyens, droit contractuel, et droit pénal. A ces trois droits, il trouve un seul principe, l’égalité ; mais il l’entend différemment dans les trois cas : dans le droit distributif, c’est l’égalité proportionnelle qui proportionne la part de chacun à sa valeur ; le principe du droit contractuel et pénal, c’est l’égalité arithmétique ; le juge a pour office, par un jeu de compensations et de dommages et intérêts, de rétablir l’égalité au profit de la personne lésée, qu’il s’agisse d’une violation de contrat ou d’un acte de violence. Dans l’échange des marchandises, cette égalité est rendue possible par l’invention de cette commune mesure, qui est la monnaie.
    Ainsi Aristote tend à créer dans la morale des sphères distinctes, ayant chacune ses principes propres. Ce n’est point aussi que toutes les vertus n’aient des conditions communes ; lorsqu’Aristote écrit de si longues pages sur l’amitié (VIII e et IX e livres), c’est parce qu’il la considère comme une condition indispensable à la vertu ; mais sa forme la plus élevée, l’amitié entre hommes libres et égaux, animés chacun de l’amour du bien, est seule capable, par la réciprocité de services qu’elle engendre, de faire atteindre aux hommes toute la perfection possible en se façonnant les uns sur les autres et en se corrigeant les uns par les autres ; il ne s’agit pas bien entendu des formes intérieures de l’amitié, de cette amitié par intérêt que l’on trouve chez les vieillards ou de l’amitié de plaisir qui lie les jeunes gens.
    Lorsqu’Aristote étudie le plaisir (VII, 11 à 14 et X, 1 à 5), c’est aussi pour en déterminer la forme la plus élevée et faire voir en lui une condition de l’excellence morale ; il est indispensable à la vertu que l’on se plaise à ce qu’il faut et que l’on déteste ce qu’il ne faut pas faire. Car, en tout cas, il

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