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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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est p.249 impossible de ne pas tendre au plaisir, et ceux qui, comme Speusippe, déclarent que tout plaisir est mauvais sont réfutés par l’expérience universelle qui nous montre tous les êtres sentants le recherchant comme un bien ; ce n’est pas par cet ascétisme de façade qu’on éloignera les hommes des plaisirs dangereux et qu’on les amènera aux plaisirs utiles. La vérité, c’est que tout acte quel qu’il soit, quand il s’achève, s’accompagne du plaisir, de même que le développement complet d’un être ne va pas sans la beauté : le plaisir s’ajoute à l’acte. De plus il achève l’acte, en le favorisant ; effet de l’acte, il devient cause de la perfection de cet acte. Dès lors, le plaisir n’est pas plus susceptible d’être recherché sans condition à titre de fin que d’être repoussé. Tant vaudra l’acte, tant vaudra le plaisir ; c’est dire combien est différente la valeur des plaisirs ; c’est dire aussi que la vertu ne saurait être parfaite si elle n’est pas développée au point de produire le plaisir lorsqu’elle passe à l’acte.
    Amitié et plaisir achèvent par conséquent chacun à sa manière la vertu ; mais ils ne lui donnent pas plus d’unité. La vertu reste dispersée en formes multiples. Il ne peut s’agir de les réduire à une ; mais, comme Aristote, dans la théorie de la substance, a déterminé d’abord la substance à titre de notion générale, contenant en son extension une foule de substances diverses, puis est passé de cette notion générale à celle d’une substance individuelle, Dieu, qui est la substance par excellence, en morale, par un rythme très analogue, il passe de la notion générale de vertu considérée, comme le titre commun des vertus humaines, éthiques et dianoétiques, à une vertu qui est la vertu par excellence, vertu transcendante aux vertus humaines, vertu divine, qui est la faculté de la contemplation intellectuelle (X, 6 à 8). Tandis que les autres vertus impliquent l’union de l’âme avec le corps et la vie sociale, l’intelligence, dans la contemplation du vrai, est isolée et se suffit à elle-même ; tandis que le reste de la vie morale est une vie pleine d’occupations incessantes, la vie contemplative est une vie de loisir, et p.250 par conséquent bien supérieure, d’autant que le loisir est la fin de l’action, et non l’action celle du loisir. Elle est donc la vie de ce qu’il y a de vraiment divin dans l’homme, la seule vie que l’homme puisse partager avec les dieux qui sont avant tout desactivités pensantes, enfin celle qui produit, en lui, avec le plaisir le plus élevé, le bonheur qui peut plusque tout autre se prolonger sans fatigue.
    Cette morale du contemplatif ou de l’homme d’étude, placé bien au-dessus du politique, implique encore une dissociation de ce que Platon avait voulu si fermement unir. Aristote a fortement senti la nécessité de séparer la vie intellectuelle du reste de la vie sociale et d’en faire une fin en soi. « Tous les hommes désirent naturellement savoir [359] », et le savoir est comme un absolu qui ne se réfère à rien autre. On ne peut dire pourtant qu’il y ait chez Aristote une véritable dualité d’idéal. Car il y a entre les deux vies, pratique et contemplative, une hiérarchie et une subordination de la première à la seconde ; la vie sociale d’une cité grecque, avec toutes les vertus qu’elle comporte, est la condition à laquelle peut exister le loisir du savant qui contemple ; ce sont donc là deux vies inséparables, à la manière dont Dieu et le monde sont inséparables.
     
    XIII. — LA POLITIQUE
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    « Une cité, c’est clair, n’est pas un simple rassemblement pour éviter les torts mutuels et pour échanger les services ; ce sont bien là des conditions nécessaires, mais ce n’est pas encore une cité ; une cité, c’est un rassemblement de maisons et de familles pour bien vivre, c’est-à-dire pour mener une vie parfaite et indépendante [360] ». La première partie de ce passage, vise Platon qui, en définissant la cité par la division du travail et par le p.251 troc, a eu le tort d’indiquer seulement les conditions matérielles et non la vraie nature, c’est-à-dire la cause finale de la cité. La société sert non seulement à vivre, mais à bien vivre, c’est-à-dire qu’elle est la condition de la vie morale. La science de la politique consistera avant tout dans l’examen des

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