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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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comment la vertu est un milieu tout relatif à notre condition humaine, et même à notre condition sociale ; ainsi la libéralité, vertu des hommes privés de fortune modeste, est bien différente de la magnificence, vertu du riche magistrat bienfaiteur de sa cité : ce qui est générosité chez l’un sera mesquinerie chez l’autre.
    On le voit : si Aristote définit la vertu par une disposition volontaire, il est fort loin d’y voir quelque chose comme l’intention ; cette disposition n’est envisagée que comme disposition à l’action ; les conditions matérielles de l’action étant absentes, la vertu n’a plus aucun sens. « Le libéral a besoin de richesse pour agir libéralement, et le juste d’échanges sociaux ; car les intentions sont invisibles, et l’injuste se vante lui aussi de sa volonté de justice. » Aussi sont-ce là vertus humaines inséparables du milieu social, vertus politiques, que les dieux par exemple, ne possèdent nullement. « Comment seraient-ils justes ? Est-ce qu’on les voit sans rire faire entre eux des contrats et rendre des dépôts [357] ? »
    D’où son analyse de la volonté ( III, 1 à 5 ) ; elle est considérée non pas en elle-même mais dans ses rapports à l’action qu’elle produit. C’est avant tout une question de pédagogie sociale ; il s’agit de savoir quelles sont les actions que le législateur pourra utilement favoriser par ses éloges ou empêcher par ses blâmes ; une condition, c’est qu’elles soient volontaires. Cette condition concerne leurs diverses causes, c’est-à-dire leur principe originaire, leur fin et leur moyen. Une action est volontaire (έκουσιος) au sens le plus général, lorsque son point de départ est intérieur à l’être qui l’accomplit. Ce qui rend l’acte involontaire, c’est ou bien une contrainte matérielle, comme si le vent nous emporte, ou bien une contrainte morale, comme celle du tyran (mais ici il n’y a aucune règle précise pour discerner le point où la menace rend l’acte involontaire), ou bien enfin l’ignorance, non pas l’ignorance du bien et du mal, mais celle des circonstances particulières dont la connaissance aurait modifié notre action. En ce sens général, l’action volontaire n’est nullement propre à l’homme : elle se trouve aussi chez l’animal. L’acte proprement humain, c’est l’acte fait par choix réfléchi (προαίρεσις), c’est-à-dire par choix précédé d’une délibération (βούλευσις). La délibération est la recherche qui porte non pas sur la fin de l’acte, mais sur les divers moyens possibles d’atteindre cette fin ; elle n’a donc lieu que là où il y a de l’indétermination et du contingent. Elle est dans le domaine pratique le correspondant de la pensée discursive dans le domaine théorique ; elle construit des syllogismes pratiques, dont la majeure implique un précepte et une fin (les viandes légères sont salutaires), la mineure, une constatation de fait par la perception sensible (cette viande est légère), la conclusion, la maxime pratique qui conduit immédiatement à l’action ou à l’abstention. Une maxime générale, sans la connaissance particulière des faits, n’entraînerait jamais l’action ; c’est le rôle propre de « l’intelligence pratique » de découvrir ces faits particuliers exprimés dans les mineures (ici la perception sensible est réellement intelligence), tandis que « l’intelligence théorique » connaît les principes premiers [358]. Mais la délibération est toujours relative à une fin ; la volonté de la fin (βούλησις), fort différente de la délibération qui en dépend, est celle qui vise au bien ou du moins à ce qui nous paraît être le bien.
    Cette analyse de la volonté a pour conséquence la distinction de deux espèces de vertus : les vertus éthiques, qui sont en rapport avec le caractère, c’est-à-dire avec nos dispositions naturelles à telle ou telle passion pour les réduire à leurs justes limites ; les vertus dianoétiques ou vertus de la réflexion qui sont qualités de la pensée pratique aboutissant à l’action. Impossible de confondre les premières avec les secondes, c’est-à-dire la force de la volonté dominant les passions avec la clarté d’une intelligence qui recherche la voie droite. L’unité que Socrate paraît avoir voulu établir entre la maîtrise de soi et la réflexion est détruite ; la partie

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