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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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logique, le mégarique force son adversaire à avouer qu’il porte des cornes, puisque l’on possède ce que l’on n’a pas perdu et que l’on n’a pas perdu de cornes ; il le force à reconnaître qu’il ne connaît pas son propre père, en le lui présentant sous un voile ; il lui fait convenir qu’Électre sait et ne sait pas les mêmes choses, puisque, lorsqu’elle le rencontre encore inconnu, elle sait qu’Oreste est son frère, mais elle ne sait pas que celui-ci est Oreste. Il le réduit au silence en lui demandant combien de grains de blé il faut pour faire un tas (sophisme du sorite), ou combien il faut avoir perdu de cheveux pour être chauve [376].
    p.265 Toutes ces plaisanteries logiques aboutissent bien à l’impossibilité de choisir entre le oui et le non, donc de discuter à l’aide de concepts définis. Elles devaient avoir un grand succès ; Stilpon de Mégare, un contemporain de Théophraste, attirait, dit-on, à ses cours les disciples des péripatéticiens et ceux des cyrénaïques. De son enseignement, nous connaissons assez bien deux parties, qui touchaient au vif la philosophie du concept : d’abord la critique des idées [377]. La méthode de cette critique c’est celle que Diogène Laërce indique comme celle d’Euclide dans ses réfutations ; il s’attaquait aux démonstrations non en critiquant les prémisses, mais en faisant voir l’absurdité de la conclusion ; de même Stilpon supposant l’existence des idées, en déduit des conséquences absurdes : l’homme idéal n’est pas tel ou tel, par exemple parlant ou non parlant ; par conséquent nous n’avons pas le droit de dire que l’homme qui parle est homme ; il ne répond pas au concept. Le légume idéal est éternel ; ce que vous me montrez n’est donc pas un légume, puisqu’il n’existait pas il y a mille ans. Ou bien alors, si vous voulez dire que tel homme individuel répond bien au concept d’homme, il faudra, si cet homme est par exemple à Mégare, dire qu’il n’y a pas d’homme à Athènes, puisque la propriété du concept est d’être unique [378]. Quant à la portée de cette critique, on voit qu’elle ne vise pas moins le concept d’Aristote que l’idée de Platon ; qu’on se rappelle seulement les efforts que fit Aristote pour répondre à des critiques du même genre.
    L’on connaît aussi la position de Stilpon sur un problème voisin, le problème de la prédication, qui avait tant occupé Platon dans le Sophiste et où se concentraient tous les efforts de ses adversaires. Au surplus la thèse de Stilpon à ce sujet n’est qu’un nouvel aspect de celle que nous venons d’examiner. Si l’on veut penser, comme Aristote et Platon, par concepts définis et stables, ayant chacun leur essence, il est interdit d’énoncer une proposition quelconque, sous peine d’affirmer l’identité de deux essences distinctes. Affirmer que le cheval court ou que l’homme est bon, c’est affirmer que le cheval ou l’homme sont autre chose qu’eux-mêmes ; ou bien, si l’on répond que le bon est effectivement la même chose que l’homme, c’est s’interdire le droit d’affirmer le bon du remède ou de la nourriture. Il ne faut pas dire sans doute, comme Colotès l’Épicurien, qui nous rapporte cette doctrine de Stilpon dans son traité Contre les philosophes, que cette thèse « supprime la vie », mais elle supprime l’interprétation des jugements, comme relations de concepts, c’est-à-dire tout l’idéalisme athénien [379].
    L’on se souvient que, en effet, Aristote n’avait pu résoudre de telles difficultés qu’en introduisant, à côté des essences fixes et déterminées, des notions de réalités indéterminées, telles que celles de puissance, et Platon s’accusait plaisamment de parricide en affirmant contre son père Parménide que la vie de la pensée exigeait qu’on accordât l’existence au non-être. Il n’est donc pas étonnant que les Mégariques aient été rapprochés de Parménide et soient considérés comme des rénovateurs de sa pensée. Peut-être cependant la pensée de Parménide ne leur importait pas beaucoup en elle-même ; ce qu’ils veulent avant tout montrer, c’est qu’un philosophe du concept, n’admettant que des essences fixes, n’a pas le droit d’introduire ces réalités indéterminées, que voulait Aristote : tel paraît être le sens de l’argument auquel s’attache le nom de Diodore Cronos, disciple

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