Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
courage, s’écrie encore : « Je demande que toutes les autorités révolutionnaires de Paris soient cassées ; je demande que tout ce qu’elles ont fait depuis trois jours soit nul ; je demande que tous ceux qui voudront s’arroger une autorité nouvelle, contraire à la loi, soient mis hors de la loi, et qu’il soit permis à tout citoyen de leur courir sus. » À peine a-t-il achevé, que les pétitionnaires insurgés viennent demander son arrestation et celle de ses collègues. « Citoyens, disent-ils en finissant, le peuple est las de voir ajourner son bonheur, il le laisse encore un instant dans vos mains ; sauvez-le, ou nous vous déclarons qu’il va se sauver lui-même ! »
La droite demande l’ordre du jour sur la pétition des insurgés. La convention passe à l’ordre du jour. Aussitôt les pétitionnaires sortent dans une attitude menaçante, les hommes quittent les tribunes, on crie aux armes, et un grand bruit se fait entendre au-dehors. Sauvez le peuple de lui-même, dit un Montagnard, sauvez vos collègues, en décrétant leur arrestation provisoire. – Non, non, répondent la droite et même une partie de la gauche. – Nous partagerons tous leur sort, s’écrie Lareveillère Lepeaux. Le comité de salut public, chargé de faire un rapport, épouvanté de la grandeur du péril, proposa, comme au 31 mai, une mesure en apparence conciliatoire, pour satisfaire les insurgés sans sacrifier entièrement les proscrits. « Le comité s’adresse, dit Barrère, au patriotisme, à la générosité des membres accusés : il leur demande la suspension de leur pouvoir, en leur représentant que c’est la seule raison qui puisse faire cesser les divisions qui affligent la république, et y ramener la paix. » Quelques-uns d’entre eux adhérèrent à cette mesure. Isnard se suspendit lui-même ; Lanthénas, Dussaulx, et Fauchet imitèrent son exemple. Lanjuinais ne le suivit point. « J’ai, je crois, jusqu’à ce moment, montré quelque courage, dit-il, n’attendez de moi ni suspension, ni démission. » Violemment interrompu, « Quand les anciens, ajouta-t-il, préparaient un sacrifice, ils couronnaient la victime de fleurs et de bandelettes, en la conduisant à l’autel : le prêtre l’immolait, mais il ne l’insultait pas. » Barbaroux fut aussi ferme que Lanjuinais. « J’ai juré, dit-il, de mourir à mon poste ; je tiendrai mon serment.» Les conjurés de la Montagne s’élevèrent eux-mêmes contre la proposition du comité. Marat prétendit qu’il fallait être pur pour faire des sacrifices, et Billaud-Varennes demanda le jugement des Girondins et non leur suspension.
Pendant que ce débat avait lieu, un député de la Montagne, Lacroix, entre précipitamment dans la salle, s’élance à la tribune, déclare qu’il vient d’être insulté à la porte, qu’on l’a empêché de sortir, et que la convention n’est pas libre. Un grand nombre de Montagnards s’indignent contre Henriot et contre ses troupes. Danton dit qu ’il faut venger vigoureusement la majesté nationale outragée. Barrère propose à la convention de se présenter au peuple : « Représentants, dit-il, ordonnez votre liberté, suspendez votre séance, faites baisser devant vous les baïonnettes qui vous entourent. La convention entière se lève, et se met en marche, précédée de ses huissiers, ayant en tête son président, couvert en signe de détresse. Elle arrive à une issue qui donnait sur la place du Carrousel, et trouve Henriot à cheval, et le sabre à la main. « Que demande le peuple ? lui dit le président Hérault de Séchelles, la convention n’est occupée que de son bonheur. – Hérault, répond Henriot, le peuple n’est pas levé pour écouter des phrases ; il veut qu’on lui livre vingt-quatre coupables. – Qu’on nous livre tous, » s’écrient ceux qui entourent le président. Henriot se retourne alors vers les siens, et crie, Canonniers, à vos pièces ! Deux canons sont pointés sur la convention, qui recule, entre dans le jardin, le traverse, et se présente à plusieurs passages qu’elle trouve également fermés. Partout les soldats sont sous les armes, Marat parcourt leurs rangs ; il excite, il encourage les insurgés : « Point de faiblesse, leur dit-il, ne quittez pas votre poste qu’on ne vous les ait livrés.» La convention rentre alors dans l’enceinte de ses séances, accablée de son impuissance,
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