Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
avez acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête ! contre vous, dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d’indignation dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes ! Eh bien ! ma conclusion, c’est le décret d’accusation contre tous les complices de Dumouriez et contre ceux qui sont désignés par les pétitionnaires ! » Malgré la violence de cette sortie, le parti de Robespierre n’eut pas la victoire. L’insurrection n’avait été dirigée que contre les douze ; et le comité de salut public, qui proposait leur suppression, l’emporta sur la commune. L’assemblée adopta le décret de Barrère, qui cassait les douze, qui mettait la force publique en réquisition permanente, et qui, pour contenter les pétitionnaires, chargeait le comité de salut public de rechercher les complots dénoncés par eux. Dès que la multitude, qui entourait l’assemblée, fut instruite de ces mesures, elle les accueillit avec applaudissements, et elle se dispersa.
Mais les conspirateurs ne voulaient point s’arrêter à ce demi-triomphe ; ils étaient allés, le 31 mai, plus loin que le 27 ; ils allèrent, le 2 juin, plus loin que le 31 mai. L’insurrection devint, de morale comme ils l’appelaient, personnelle, c’est-à-dire qu’elle ne fut plus dirigée contre un pouvoir, mais contre des députés ; elle échappa à Danton et à la Montagne, et elle échut à Robespierre, à Marat et à la commune. Dès le soir du 31, un député jacobin dit : « Qu’il n’y avait que la moitié de fait, qu’il fallait achever, et ne pas laisser le peuple se refroidir. »Henriot offrit au club de mettre à sa disposition la force armée. Le comité insurrectionnel s’établit ouvertement près de la convention. Toute la journée du 1 er juin fut consacrée à préparer un grand mouvement. La commune écrivit aux sections : Citoyens, restez debout ; les dangers de la patrie vous en font une loi suprême. Le soir, Marat, qui fut le principal auteur du 2 juin, se rendit à l’Hôtel-de-Ville, monta lui-même à l’horloge, et sonna le tocsin ; il invita les membres du conseil à ne pas désemparer, qu’ils n’eussent obtenu le décret d’accusation contre les traîtres et les hommes d’état. Quelques députés se réunirent dans la convention, et les conspirateurs vinrent demander le décret contre les proscrits ; mais ils n’étaient pas encore assez en force pour les arracher à la convention.
Toute la nuit se passa en préparatifs ; le tocsin sonna, la générale battit, les rassemblements se formèrent. Le dimanche matin, vers huit heures, Henriot se présenta au conseil général, et déclara à ses complices, au nom du peuple insurgé, qu’on ne déposerait les armes qu’après avoir obtenu l’arrestation des députés conspirateurs. Il se mit ensuite à la tête des immenses attroupements qui étaient sur la place de l’Hôtel-de-Ville, les harangua, et donna le signal du départ. Il était près de 10 heures lorsque les insurgés arrivèrent sur la place du Carrousel. Henriot plaça autour du château les bandes les plus dévouées, et bientôt la convention fut investie par quatre-vingt mille hommes, dont le plus grand nombre ignorait ce qu’on exigeait de lui, et était plus disposé à défendre qu’à attaquer la députation.
La plupart des proscrits ne s’étaient point rendus dans l’assemblée. Quelques-uns, courageux jusqu’au bout, étaient venus braver l’orage pour la dernière fois. Dès le commencement de la séance, l’intrépide Lanjuinais monte à la tribune : « Je demande, dit-il, à parler sur la générale, qui bat dans tout Paris. » Il est aussitôt interrompu par les cris à bas ! à bas ! il veut la guerre civile ! il veut la contre-révolution ! il calomnie Paris ! il insulte le peuple ! Malgré les menaces, les outrages, les cris de la Montagne et des tribunes, Lanjuinais dénonce les projets de la commune et des factieux ; son courage augmente avec ses périls. « Vous nous accusez, dit-il, de calomnier Paris ! Paris est pur, Paris est bon, Paris est opprimé par des tyrans, qui veulent du sang et de la domination. » Ces paroles deviennent le signal du plus violent tumulte ; plusieurs députés montagnards se précipitent vers la tribune pour en arracher Lanjuinais qui s’y attache fortement, et qui, avec l’accent du plus généreux
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