Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
convaincue de l’inutilité de ses efforts, et tout-à-fait asservie. L’arrestation des proscrits n’est plus combattue. Marat, vrai dictateur de l’assemblée, décide souverainement du sort de ses membres. « Dussaulx, dit-il, est un vieillard radoteur, incapable d’être chef de parti ; Lanthénas est un pauvre d’esprit, qui ne mérite pas qu’on songe à lui ; Ducos n’a eu que quelques opinions erronées, et ne saurait être un chef contre-révolutionnaire. Je demande qu’on les excepte et qu’on les remplace par Valazé. » Et l’on retranche de la liste Dussaulx, Lanthénas, Ducos, et l’on y ajoute Valazé. La liste fut ainsi arrêtée, sans que la moitié de l’assemblée prît part au décret.
Voici les noms de ces illustres proscrits. On décréta d’arrestation les Girondins Gensonné, Guadet, Brissot, Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salles, Barbaroux, Chambon, Buzot, Birotteau, Lidon, Rabaud, Lasource, Lanjuinais, Grangeneuve, Lehardi, Lesage, Louvet, Valazé, le ministre des affaires étrangères Lebrun, le ministre des contributions Clavière, et les membres des douze Kervelegan, Gardien, Rabaud-Saint-Étienne, Boileau, Bertrand, Vigée, Molleveau, Henri-Larivière, Gomère et Bergonin. La convention les mit en détention chez eux, et les plaça sous la sauve-garde du peuple. Dès ce moment, la consigne qui retenait l’assemblée prisonnière fut levée, et la multitude s’écoula ; mais dès ce moment aussi, il n’y eut plus de convention libre.
Ainsi succomba le parti de la Gironde, parti illustre par de grands talents et de grands courages, parti qui honora la république naissante par l’horreur du sang, la haine du crime, le dégoût de l’anarchie, l’amour de l’ordre, de la justice et de la liberté ; parti mal placé entre la classe moyenne, dont il avait combattu la révolution, et la multitude dont il repoussait le gouvernement. Condamné à ne pas agir, ce parti ne put qu’illustrer une défaite certaine, par une lutte courageuse et par une belle mort. À cette époque, on pouvait avec certitude prévoir sa fin : il avait été chassé de poste en poste : des Jacobins, par l’envahissement des Montagnards ; de la commune, par la sortie de Pétion ; du ministère, par la retraite de Roland et de ses collègues ; de l’armée, par la défection de Dumouriez. Il ne lui restait plus que la convention ; c’est là qu’il se retrancha, qu’il combattit, et qu’il succomba. Ses ennemis essayèrent tour-à-tour, contre lui, et des complots et des insurrections. Les complots firent créer la commission des douze, qui parut donner un avantage momentané à la Gironde, mais qui n’en excita que plus violemment ses adversaires. Ceux-ci mirent le peuple en mouvement, et ils enlevèrent aux Girondins, d’abord leur autorité en détruisant les douze, ensuite leur existence politique en proscrivant leurs chefs.
Les suites de ce désastreux événement ne furent selon la prévoyance de personne. Les Dantonistes crurent que les dissensions des partis seraient terminées, et la guerre civile éclata. Les modérés du comité de salut public crurent que la convention reprendrait toute la puissance, et elle fut asservie. La commune crut que le 31 mai lui vaudrait la domination, qui échut à Robespierre, et à quelques hommes dévoués à sa fortune ou à l’extrême démocratie. Enfin, il y eut un parti de plus à ajouter aux partis vaincus, et dès-lors aux partis ennemis : et comme on avait fait, après le 10 août, la république contre les constitutionnels, on fit, après le 31 mai, la terreur contre les modérés de la république.
CHAPITRE VIII
Insurrection des départements contre le 31 mai ; revers prolongés aux frontières ; progrès des Vendéens. – Les Montagnards décrètent la constitution de 1793, et la suspendent aussitôt pour maintenir et renforcer le gouvernement révolutionnaire. – Levée en masse ; loi des suspects. – Victoires des Montagnards dans l’intérieur et sur les frontières. – Mort de la reine, des vingt-deux Girondins, etc. – Comité de salut public ; sa puissance ; ses membres. – Calendrier républicain. – Les vainqueurs du 31 mai se divisent. – La faction ultra-révolutionnaire de la commune ou des hébertistes fait abolir le catholicisme, et décréter le culte de la raison ; sa lutte avec le comité de salut public ; sa défaite. – La faction modérée de la
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