Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
temps au château des Tuileries.
L’assemblée était en séance depuis long-temps ; elle s’était réunie au bruit du tocsin. Le ministre de l’intérieur, les administrateurs du département et le maire de Paris avaient été successivement appelés à la barre. Garat avait rendu compte de l’agitation de Paris, et avait paru n’en craindre aucun résultat désastreux. Lhuillier, au nom du département, avait assuré que ce n’était là qu’une insurrection morale. Le maire Pache vint le dernier, et d’une manière hypocrite il fit part des opérations des insurgés ; il prétendit avoir employé tous ses efforts à maintenir l’ordre ; il assura que la garde de la convention était doublée, et qu’il avait défendu de tirer le canon d’alarme. Mais au même instant on l’entendit retentir au loin. La surprise et l’agitation furent extrêmes. Cambon invita l’assemblée à l’union ; il réclama le silence des tribunes : « Dans ces circonstances extraordinaires, dit-il, le seul moyen de déjouer les malveillants est de faire respecter la convention nationale. – Je demande, dit Thuriot, que la commission des douze soit cassée à l’instant. – Et moi, dit Talien, que le glaive de la loi frappe les conspirateurs qui sont dans le sein même de la convention. » Les Girondins, de leur côté, veulent qu’on mande à la barre l’audacieux Henriot, pour avoir fait tirer le canon d’alarme sans l’ordre de la convention. « S’il y a un combat, dit Vergniaud, il sera, quel qu’en soit le succès, la perte de la république. Que tous les membres jurent qu’ils mourront à leur poste. » L’assemblée entière se lève, en adhérant à la proposition de Vergniaud. Danton s’élance à la tribune : « Cassez la commission des douze, s’écrie-t-il ; le canon a tonné. Si vous êtes législateurs politiques, loin de blâmer l’explosion de Paris, vous la tournerez au profit de la république, en réformant vos erreurs, en cassant votre commission. » Et comme il entendit des murmures : « C’est à ceux qui ont reçu quelques talents politiques que je m’adresse, et non à ces hommes stupides qui ne savent faire parler que leurs passions. Je leur dis : Considérez la grandeur de votre but ; c’est de sauver le peuple de ses ennemis, des aristocrates, de le sauver de sa propre colère. Si quelques hommes, vraiment dangereux, n’importe à quel parti ils appartiennent, voulaient ensuite prolonger un mouvement devenu inutile quand vous aurez fait justice, Paris lui-même les fera rentrer dans le néant. Je demande froidement la suppression pure et simple de la commission, sous le rapport politique.» La commission était violemment attaquée d’un côté, faiblement défendue de l’autre ; Barrère et le comité de salut public, qui en étaient les créateurs, proposaient sa suppression pour ramener la paix, et pour ne pas mettre l’assemblée à la merci de la multitude. Les Montagnards modérés voulaient s’arrêter à cette mesure, lorsque les députations arrivèrent. Les membres du département, ceux de la municipalité, et les commissaires des sections, admis à la barre, ne demandèrent pas seulement la suppression des douze, mais encore le châtiment de ses membres et de tous les chefs girondins.
Les Tuileries étaient alors bloquées par les insurgés, et la présence de leurs commissaires dans le sein de la convention enhardit les Montagnards extrêmes, qui voulaient détruire le parti girondin. Robespierre, leur chef et leur orateur, prit la parole, et dit : « Citoyens, ne perdons pas ce jour en vaines clameurs et en mesures insignifiantes ; ce jour est peut-être le dernier où le despotisme combattra la tyrannie ! Que les fidèles représentants du peuple se réunissent pour assurer son bonheur ! » Il pressa la convention de suivre la marche indiquée par les pétitionnaires, plutôt que celle proposée par le comité de salut public. Comme il se livrait à de longues déclamations contre ses adversaires : « Concluez donc, lui cria Vergniaud. – Oui, je vais conclure, et contre vous ! contre vous, qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l’échafaud ceux qui l’ont faite ! contre vous, qui n’avez cessez de provoquer la destruction de Paris ! contre vous qui avez voulu sauver le tyran ! contre vous, qui avez conspiré avec Dumouriez ! contre vous, qui avez poursuivi
Weitere Kostenlose Bücher