Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
convention pour l’accabler. Ses armées étaient battues au nord et aux Pyrénées, en même temps qu’elle était menacée par les Lyonnais au centre, les Marseillais dans le midi, les Girondins dans une partie de l’ouest, et les Vendéens dans l’autre. La réaction militaire qui, après la brillante campagne de l’Argonne et de la Belgique, avait eu lieu surtout à cause du désaccord de Dumouriez et des Jacobins, de l’armée et du gouvernement, s’était prononcée d’une manière bien plus désastreuse depuis la défection du général en chef. Il n’y avait plus d’ensemble dans les mouvements, d’élan dans les troupes, de concert entre la convention, préoccupée de ses querelles, et les généraux découragés. Les débris de l’armée de Dumouriez s’étaient réunis au camp de Famars, sous le commandement de Dampierre ; mais ils avaient été obligés, de se retirer, après une défaite, sous le canon de Bouchain. Dampierre avait été tué. De Dunkerque à Givet, la frontière était menacée par des forces supérieures. Custine fut promptement appelé de la Moselle à l’armée du Nord, mais sa présence ne rétablit pas les affaires. Valenciennes qui ouvrait la France fut prise, Condé essuya, le même sort : l’armée, chassée de position en position, se retira derrière la Scarpe, en avant d’Arras, dernière position de retraite jusqu’à Paris. D’un autre côté, Mayence, vivement pressée par l’ennemi et par la famine, perdit l’espoir d’être secourue par l’armée de la Moselle réduite à l’inaction, et, désespérant de tenir plus long-temps, elle capitula. La situation de la république ne pouvait pas être pire.
La convention était en quelque sorte prise au dépourvu. Elle était désorganisée, parce qu’elle sortait d’une lutte, et que le gouvernement des vainqueurs n’avait pas eu encore le temps de s’établir. Après le 2 juin, avant que le danger devînt aussi pressant pour elle dans les départements et sur les frontières, la Montagne avait envoyé des commissaires de toutes parts, et s’était occupée sur-le-champ de la constitution qui était attendue depuis si long-temps, et dont elle espérait beaucoup. Les Girondins avaient voulu la décréter avant le 21 janvier pour sauver Louis XVI, en substituant l’ordre légal à l’état révolutionnaire, ils y étaient revenus avant le 31 mai pour prévenir leur propre proscription. Mais les Montagnards avaient, à deux reprises, détourné l’assemblée de cette discussion par deux coups d’état, le jugement de Louis XVI et l’élimination de la Gironde. Aujourd’hui, restés les maîtres, ils s’empressaient de rattacher à eux les républicains en décrétant la constitution. Hérault de Séchelles fut le législateur de la Montagne comme Condorcet devait l’être de la Gironde. En quelques jours cette constitution nouvelle fut adoptée dans la convention, et soumise à l’acceptation des assemblées primaires. On conçoit facilement ce qu’elle devait être avec les idées qui régnaient alors sur le gouvernement démocratique. Les constituants passaient pour des aristocrates : la loi qu’ils avaient établie, était considérée comme une infraction aux droits du peuple, parce qu’elle imposait des conditions pour l’exercice des droits politiques ; parce qu’elle ne consacrait pas l’égalité la plus absolue ; parce qu’elle faisait nommer les députés et les magistrats par des électeurs, et ces électeurs par le peuple ; parce qu’elle bornait en certains cas la souveraineté nationale, excluant une partie des citoyens actifs des grandes fonctions publiques, et les prolétaires des fonctions de citoyens actifs ; enfin, parce qu’au lieu de fixer pour base unique des droits, la population, elle la combinait dans toutes ses opérations avec la fortune. La loi constitutionnelle de 1793 établissait le pur régime de la multitude : non seulement elle reconnaissait le peuple comme la source de tous les pouvoirs, mais encore elle lui en déléguait l’exercice. Une souveraineté sans bornes ; une mobilité extrême dans les magistratures ; des élections immédiates auxquelles chacun concourait ; des assemblées primaires qui se réunissaient sans convocation, à une époque fixe, qui nommaient les représentants et contrôlaient leurs actes ; une assemblée nationale annuellement renouvelée, et qui n’était, à proprement parler,
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