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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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nouveaux, et en se séparant des comités   ? aspirait-il à la dictature   ? voulait-il seulement parvenir à sa démocratie de vertu, par la ruine de ce qu’il restait de montagnards immoraux et de fac tieux du comité   ? Sa conduite peut s’expliquer également par le désir de l’usurpation, et par le fanatisme populaire   : il semblait avoir pratiqué le conseil que le vieux Tarquin avait autrefois donné à son fils, en abattant les têtes les plus élevées de la république. Chaque parti avait perdu ses chefs   ; la Gironde, les vingt-deux   ; la commune, Hébert, Chaumette et Ronsin   ; la Montagne, Danton, Chabot, Lacroix, Camille Desmoulins. Mais, tout en proscrivant les chefs, Robespierre avait soigneusement protégé les masses. Il avait défendu les soixante-treize détenus contre les dénonciations des Jacobins et la haine des comités   ; il s’était mis à la tête de la nouvelle commune   ; il n’avait plus d’opposition à craindre pour ses projets, que de la part d’un petit nombre de montagnards et du gouvernement conventionnel. C’est contre ce double obstacle qu’il dirigea ses efforts dans les derniers moments de sa carrière. Il est probable qu’il ne séparait point la république de son protectorat, et qu’il croyait les fonder également sur les ruines des autres partis.
    Les comités combattirent Robespierre à leur façon. Ils travaillèrent sourdement à sa ruine en l’accusant de tyrannie. Ils faisaient considérer l’établissement de son culte comme le présage de son usurpation   ; ils rappelaient son attitude orgueilleuse dans la journée d’enivrement du 20 prairial, la distance où il s’était placé de la convention nationale elle-même. Entre eux ils l’appelaient Pisistrate, et ce nom passait déjà de bouche en bouche. Une circonstance insignifiante dans un autre moment leur permit de l’attaquer d’une manière détournée. Une vieille femme , nommée Catherine Théot, faisait la prophétesse dans un réduit obscur, entourée de quelques sectaires mystiques   : on l’appelait la Mère de Dieu, et elle annonçait la venue prochaine d’un messie restaurateur. Avec elle se trouvait un ancien collègue de Robespierre à la constituante, le chartreux dom-Gerle, qui avait une attestation civique de Robespierre lui-même. Les comités, en découvrant les mystères de la Mère de Dieu et ses prédictions, crurent, ou feignirent de croire, que Robespierre se servait de ce moyen pour gagner les fanatiques et pour faire annoncer son élévation. Ils changèrent son nom de Théot en celui de Théos, qui signifie Dieu, et dans le messie qu’elle annonçait, ils désignèrent assez adroitement Robespierre. Le vieux Vadier au nom du comité de sûreté générale fut chargé du rapport contre la nouvelle secte. Il était vain et subtil   ; il dénonça les initiés aux mystères, tourna le culte en dérision, y mêla Robespierre sans le nommer, et fit envoyer les fanatiques en prison. Robespierre voulut les sauver. La conduite du comité de sûreté générale l’irrita profondément, et dans le club des Jacobins il parla du discours de Vadier avec mépris et colère. Il essuya de nouvelles contrariétés dans le comité de salut public, qui refusa de poursuivre ceux que lui désigna Robespierre. Dès lors il ne parut plus au milieu de ses collègues de gouvernement, et n’assista que rarement aux séances de la convention   : mais il se rendit régulièrement aux Jacobins, et c’est de la tribune de ce club qu’il crut ruiner ses ennemis, comme il l’avait fait jusque là.
    Naturellement triste, soupçonneux, craintif, il devint plus sombre et plus défiant. Il ne sortait plus qu’accompagné de plusieurs jacobins armés de bâton, qu’on appelait ses gardes-du-corps. Bientôt, dans la société populaire, il commença les dénonciations   : « Il faut, dit-il, chasser de la convention tous ces hommes corrompus   ; » c’était désigner les amis de Danton. Robespierre les faisait surveiller avec la plus minutieuse inquiétude. Chaque jour des espions attachés à leurs pas suivaient tous leurs mouvements, l’instruisaient de leurs démarches, de leurs fréquentations et de leurs paroles. Robespierre n’attaqua pas seulement les Dantonistes aux Jacobins, il s’éleva contre le comité lui-même, et il choisit pour cela un jour que Barrère présidait la société populaire. Au sortir de la séance, celui-ci retourna chez lui découragé.

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