Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
qu’elle doit sa force à une coalition criminelle qui intrigue au sein même de la convention ; que cette coalition a des complices dans le comité de sûreté générale ; que les ennemis de la république ont opposé ce comité au comité de salut public, et constitué ainsi deux gouvernements ; que des membres du comité de salut public entrent dans ce complot ; que la coalition ainsi formée cherche à perdre les patriotes et la patrie. Quel est le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler les bureaux du comité de sûreté générale, épurer ce comité et le subordonner au comité de salut public ; épurer le comité de salut public lui-même ; constituer l’unité du gouvernement sous l’autorité suprême de la convention ; écraser ainsi toutes les factions du poids de l’autorité nationale, pour élever sur leurs ruines la puissance de la justice et de la liberté. »
Pas un murmure, pas un applaudissement, n’accueillirent cette déclaration de guerre. Le silence avec lequel Robespierre avait été écouté se prolongea long-temps encore après qu’il eut fini. De toutes parts, dans l’assemblée incertaine, on se regardait avec inquiétude. Enfin Lecointre de Versailles prit la parole et proposa l’impression du discours. Cette demande fut le signal de l’agitation, des débats, de la résistance. Bourdon de l’Oise s’opposa à l’impression comme dangereuse, il fut applaudi ; mais Barrère, selon sa coutume équivoque, ayant soutenu que tous les discours devaient être publiés, et Couthon ayant demandé son envoi à toutes les communes de la république, la convention intimidée par le concert apparent des deux factions opposées, décréta et l’impression et l’envoi.
Les membres des deux comités attaqués qui, jusque-là, avaient gardé le silence, voyant la Montagne repoussée et la majorité chancelante, sentirent qu’il était temps de parler. Vadier combattit le premier le discours de Robespierre, et Robespierre lui-même. Cambon alla plus loin : « Il est temps de dire la vérité tout entière, s’écria-t-il : un seul homme paralysait la volonté de la convention nationale ; cet homme, c’est Robespierre. – Il faut arracher le masque, ajouta Billaud-Varennes, sur quelque visage qu’il se trouve, j’aime mieux que mon cadavre serve de trône à un ambitieux que de devenir par mon silence complice de ses forfaits, » Panis, Bentabole, Charlier, Thirion, Amar, l’attaquèrent à leur tour. Fréron proposa à la convention de briser le joug funeste des comités : « Le moment est venu, dit-il, de ressusciter la liberté des opinions. Je demande que l’assemblée rapporte le décret qui accorde aux comités le droit de faire arrêter des représentants du peuple. Quel est celui qui peut parler librement lorsqu’il craint d’être arrêté ? » Quelques applaudissements se firent entendre, mais le moment de l’affranchissement entier de la convention n’était pas encore venu, c’était derrière les comités qu’il fallait combattre Robespierre, afin de renverser plus facilement ensuite les comités. Aussi la demande de Fréron fut repoussée. « Celui que la crainte empêche de dire son avis, dit en le regardant Billaud Varennes, n’est pas digne du titre de représentant du peuple. » On ramena l’attention sur Robespierre. Le décret qui ordonnait l’impression fut rapporté, et la convention renvoya le discours à l’examen des comités. Robespierre qui avait été surpris de cette fougueuse résistance, dit alors : « Quoi ! j’ai le courage de déposer dans le sein de la convention des vérités que je crois nécessaires au salut de la patrie, et l’on renvoie mon discours à l’examen des membres que j’accuse ! » Il sortit, un peu découragé, mais espérant ramener l’assemblée qui s’était montrée flottante, ou bien la soumettre avec les conjurés des Jacobins et de la commune.
Il se rendit le soir à la Société populaire. Il fut reçu avec enthousiasme. Il lut le discours que l’assemblée venait de condamner, et les Jacobins le couvrirent d’applaudissements. Il leur fit alors le récit des attaques qui avaient été dirigées contre lui, et leur dit pour les exciter davantage : « Je suis prêt, s’il le faut, à boire la coupe de Socrate. – Robespierre, s’écria un député, je la boirai avec toi. – Les ennemis de Robespierre, ajouta-t-on de toutes
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